jeudi 20 octobre 2016

Ironman Vineman 2016

Préparation


La 1e phase d'un Ironman, une fois que l'idée est bien ancrée dans ta tête et te parait réalisable (ça peut prendre un peu de temps), c'est l'inscription. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la demande est élevée et il faut s'inscrire plusieurs mois à l'avance. Avec Pierre, un pote de San Francisco, nous avions évoqué l'idée d'en faire un ensemble, et c'est ainsi qu'en Novembre 2015, alors que je suis perdu au fin fond de la brousse congolaise, ils nous inscrits tous les deux pour la course qui a lieu le 31 juillet 2016, à Napa Valley, non loin de San Francisco.

La 2e phase, c'est bien évidemment l'entrainement. Je passe les mois de Décembre et Janvier au repos total pour cause d'opération du fessier droit (merci les araignées congolaises). On pourrait penser que les 6 mois suivants seront consacrés à un entrainement intensif mais non, je choisis de me consacrer à d'autres passions : plusieurs semaines d'alpinisme et d'escalade dans les Alpes et plusieurs mois en Colombie à danser essayer d’apprendre la salsa. En conséquence, je dois adapter mon entrainement et je choisis d’innover en créant mon propre programme. Comme tout bon programme d’entrainement qui se respecte, il se décompose en 3 parties : entrainement, nutrition et préparation mentale.

1/ L’entrainement. 
En partant du postulat simple « l’entrainement, c’est fatigant », moins on s’entraine, moins on est fatigué, donc plus on est en forme, c’est imparable. Du coup, il ne faut pas hésiter à réduire drastiquement son volume d’entrainement. Comme disait Napoléon : « un bon graphique Excel vaut mieux qu’un long discours ». Vous pouvez donc voir ci-dessous l’évolution du volume d’entrainement sur les 6 mois précédents la course (totaux en km pour chaque discipline) entre mon 1e Ironman (Nice 2011), le 2e (Zurich 2013) et le 3e (Vineman 2016). La tendance est assez facile à observer, ça descend presque aussi vite qu’une bière dans le gosier d’un breton. Pour le prochain Ironman, j’envisage de limiter l’entrainement à la course en elle-même.


Pour la natation et la course à pied, je ne suis pas trop inquiet, par contre je sais que je vais manquer de caisse pour le vélo. J’ai commencé à m’entrainer sérieusement pour ça 2 semaines avant et les deux sorties « longues » (70 km) que j’ai faites ne m’ont pas rassuré sur mon niveau. Au moins, j’ai pu retrouver avec joie les routes californiennes.

Vue sur San Francisco et le Golden Gate bridge en montant à Hawk Hill

Vue depuis Tamalpais
2/ La nutrition. 
Pour qui est un observateur un peu attentif de la littérature à ce sujet, sur les 30 dernières années, on est passé par tout et son contraire. Du coup, il n’y a pas de raisons que je ne lance pas moi aussi mon régime. Il s’appuie sur trois piliers : les hamburgers, les bières belges et les glaces. Comme disait le triathlète Oscar Wilde « la meilleure façon de résister à la tentation, c’est d’y céder », donc pas de restriction, c’est open bar. Par exemple, voilà mon menu pour la veille de la course. Pour le déjeuner, un assortiment de fruits et légumes glacés afin de faire le plein de bonne humeur. 


Pour le diner, rien de tel qu’un bon resto avec un pote (Umami burger, 2184 Union St, San Francisco) : burger avec bacon bien sûr (parce que le bacon, c’est la vie), Duvel (tu me remettras la p’tite sœur), frites (avec mayo, c’est plein d’antidépresseurs) et bien sûr double ration de glace (au resto et avant de se coucher).


3/ La préparation mentale.
En temps normal, tu te fixes des objectifs, tu prépares des stratégies de courses en fonction de tous les scénarios, tu fais de la visualisation, j’en passe et des Hermann. Problème avec tout ça, c’est que ça prend du temps et quand il faut faire un choix entre ça et les jeux vidéos (qui améliorent la dextérité digitale pour le changement de vitesses à vélo), la réponse est toute trouvée. La préparation mentale se résume donc à ça : c’est juste un Ironman, tout ira bien. Comme disait ma maman « la confiance assure la réussite ». Ça tombe bien la confiance, ça se cumule plus vite que les kilomètres à vélo et ça demande beaucoup moins de calories.

Jour J

Vous me connaissez, je ne suis pas un lève-tôt alors quand le réveil sonne à 3h30 un samedi matin, je n'ai pas une grosse pêche. On arrive sur l'aire de transition à 5h45, un rapide coup d'œil au vélo et je pars me changer. Les prévisions météos annoncent des grosses chaleurs pendant la journée mais pour l'instant, je tremble de froid, j'espère que l'eau ne sera pas trop froide. En attendant le départ, j'écoute du gros son US pour mettre dans l’ambiance: “Let the sunshine in” de Julien Clerc et “Gracias a la vida” de Pasion Vega. Pierre et moi sommes en forme et impatients de partir. 


Les 3800 mètres de natation ont lieu dans la Russian River, sous la forme d'un aller et retour, avec départ par vagues pour éviter le mode essorage typiques des départs massifs. La natation aquatique n’étant pas notre discipline de prédilection, nous nous plaçons en queue de peloton.  Le départ des amateurs est donné à 6h45 mais comme nous sommes dans la vague 1h30-1h45, nous ne partons que 20 minutes après. Dernière accolade avant de se jeter à l’eau et c’est parti pour une longue belle journée de sport.


Dès le début de la natation, je suis rassuré, l'eau est chaude et je ne vais pas avoir froid. Assez rapidement, je me rends compte que je dépasse pas mal de monde et malgré le départ par vagues, ça bastonne un peu pour les dépassements. Mon cerveau (oui, oui, je l’ai retrouvé) m’envoie continuellement des messages d’alertes pour me dire que je suis en léger surrégime. Vous me connaissez, le calcul n’est pas mon point fort, donc plutôt de m’économiser (la course va être longue), je choisis l’option plaisir et continue sur le même rythme. Petite originalité du parcours : pour cause de manque d’eau dans la rivière, il a pas mal de passages où l’on peut marcher au lieu de nager, même si ça reste moins rapide, ça permet de souffler un coup. 


A mi-course, je me rends compte que je suis sur les bases de 1h15, plus d’hésitation, je reste sur cette allure-là. Je me régale, c’est un vrai plaisir de nager même si la visibilité est quasi nulle. Je termine en 1h15 tout rond (13 minutes plus vite que mon meilleur temps sur la distance), c’est honnête pour quelqu’un qui a appris le crawl dans un livre (Terry Laughlin, Total Immersion).

Suis vraiment allé si vite  peu lentement que ça
La transition se passe rapidement (6’45) et je me lance à l'assaut des 180 kilomètres de vélo dans les vignes. Je me cale en position aérodynamique sur mon vélo loué la veille (je sais, je suis quelqu’un d’organisé) et je me rends compte que la position est douloureuse pour les épaules (c’est le problème quand on ne s’entraine pas). Heureusement ma formidable prépa mentale arrive à la rescousse avec un plan formidable :
- plan A : ça va passer.
- plan B : au pire, ça ne passe pas mais il n’y a que 180 bornes à tenir.

Les premiers kilomètres sont assez vallonnés et avec pas mal d’intersections. Du coup, j’ai du mal à me mettre dans le rythme. Et puis, les choses s’améliorent : je me sens bien physiquement et la route est plus propice pour envoyer du braquet. 


C’était trop beau pour être vrai : alors que je suis en train de changer de vitesse, un bout du guidon se décroche (c’est le problème quand on n’a pas testé le matériel). Je dois m’arrêter et je perds quasiment 10 minutes pour remettre en place mon guidon. Je repars passablement agacé de ce temps bêtement perdu mais au bout de quelques kilomètres, le plaisir de rouler prend le dessus et j’oublie l’incident. Les routes sont relativement plates et je me régale avec ce vélo. Comme en natation, je sens que je pousse un peu trop mais c’est tellement grisant que je continue même si je sais que je vais finir par le payer.


Les 140 premiers kilomètres sont avalés à plus de 30 km/h de moyenne et puis le coup de bambou finit par arriver. Je n’ai plus de jus et je me traine tant bien que mal sur les 40 derniers kilomètres.


Je termine en un peu plus de 6h (6h03’59), ce qui est presque aussi bien qu’à Zurich, où j’avais par contre beaucoup plus géré mon effort. Plus qu'un marathon à courir et j'en aurais terminé.
La transition se passe rapidement (6:47) et j'attaque doucement la course à pied. Il faut maintenant parcourir 3 fois un aller-retour de 14 km avec notamment une belle côte sous une chaleur de plomb. J'ai 20 minutes d'avance par rapport à mon temps de Zurich, il me faut donc courir le marathon en moins de 4h30 pour faire mieux mais je sais tout de suite que ça ne va pas le faire. Je m'étais fixé comme objectif de finir en moins de 14h (11h51 à Zurich) et là, je me retrouve en position de battre mon meilleur temps sur la distance. Problème: je ne suis pas prêt mentalement à me battre pour améliorer mon temps de Zurich, je pensais vraiment aller beaucoup plus lentement. Je n'ai pas la motivation pour aller vite et du coup, je pars au petit trot.

Tout va bien
Il est 14h et il fait très chaud. Heureusement, il y a des ravitaillements tous les 2 kilomètres environ. Je suis ma stratégie habituelle qui consiste à courir tout le temps sauf aux ravitos où je marche, ce qui quand même plus pratique pour boire et manger.

Ne pas oublier le ravito chips

Alors que je n'avais pas vu Pierre pendant le vélo et que je commençais à m'inquiéter, je finis par le croiser quand je suis sur le retour de la 1e boucle, il court et il a l'air bien, je suis rassuré. Je termine la 1e boucle en 1h35 environ. Alors que je croise Pierre pendant la 2e boucle, il me dit qu'il est derrière moi (je pensais qu'il était devant). Cela réduit encore ma motivation à aller vite. Je termine la 2e boucle plus ou moins dans le même temps mais sur la 3e , je me laisse aller à beaucoup marcher. Je suis bien physiquement mais je n'ai pas de motivation. Je me pousse à courir un peu car j'en ai marre et j'ai envie que ça se termine. Le dernier kilomètre est génial avec tous les spectateurs qui t'applaudissent.


Je passe la ligne après un marathon couru en 5h09 (mon pire temps sur la distance) pour un temps total de 12h41’09.


Je me sens bien et soulagé d'en avoir terminé.


C'est peut-être la première et dernière fois que vous me voyez avec ce t-shirt. Non mais sérieusement, ils auraient voulu nous punir qu'ils nous auraient pas donné un truc plus laid.


Peu de temps après, Pierre arrive et en termine à son tour (le chaleur sur la course à pied lui a été fatale et il a dû lever le pied). Félicitations à lui qui termine son 1e Ironman.


Pour ma part, je me suis vraiment fait plaisir sur la natation et le vélo. A cause de mon manque d'entrainement, la course à pied aura été plus compliquée et c'est bien normal. Je n'ai qu'une envie maintenant, c'est d'en refaire un et de tenter de casser la barrière des 11h avec un véritable entrainement. Qui sait, pourquoi pas en Mars en Nouvelle Zélande ?
En lien ci-dessous, mes données Strava sur les 3 disciplines.