mercredi 7 août 2013

Ironman Zurich 2013

Intro

"T'es un malade" est la phrase qui revient le plus souvent quand j'explique que je m'entraine pour un Ironman. J'espère que grâce à ce compte-rendu, je vais pouvoir démystifier un peu cette épreuve et vous prouver que terminer un Ironman n'a rien d'exceptionnel. Pour rappel, un Ironman consiste à enchaîner les trois disciplines du triathlon: on commence par s'échauffer en nageant 3.8 km en eau libre (voire plus suivant le talent du nageur à prendre la bonne trajectoire), puis vient le gros morceau: 180.2 km de vélo (sans rouler en peloton) et on termine par un décrassage en courant/marchant un marathon (environ 42.195 km), le tout en moins de 16h si on veut recevoir une médaille et pouvoir dire "I AM AN IRONMAN". Je suis tombé dans le triathlon à un peu par hasard et dès que j'ai entendu parler de l'Ironman, j'ai eu envie d'y aller, de voir si j'en étais capable. Après une année 2010 compliquée, je m'inscris en 2011 à l'Ironman de Nice que je termine en 13h47 à la 1601e place (oui, c'est bien moi sur la photo).


J'en garde un très bon souvenir et contrairement à ce qu'on pourrait penser, à la fin de la course, je n'avais qu'une seule envie, en refaire un tellement j'avais pris mon pied sur (quasi) toute la course. Me revoilà donc en 2013 inscrit à l'Ironman Zurich.
Contrairement à 2011 où je m'étais entrainé très sérieusement, je choisis cette fois une approche beaucoup plus relax (fini les semaines à plus de 20h d'entrainement). Ca se ressent d'ailleurs dans les chiffres:
En 2011, sur les 6 premiers mois de l'année, j'avais cumulé:
- 174 km de natation
- 2959 km de vélo
- 638 km de course à pied
En 2013, avec un mois de plus de préparation, j'ai fait:
- 100 km de natation
- 1189 km de vélo
- 958 km de course à pied
Autant dire que je suis loin du compte en natation et vélo. Cela dit, je me fixe comme objectif d'aller plus vite qu'à Nice, en gardant à l'esprit que le parcours vélo est beaucoup plus facile et que j'ai l'expérience du premier.
Objectifs:
- Natation: 1h25 (1h28 à Nice)
- Vélo: 6h40 (7h15 à Nice)
- Course à pied: 4h10 (4h45 à Nice)
Ce qui, en ajoutant les temps de transition (2 fois 5 minutes) donne un temps total de 12h25. Pour être sûr de ne pas perdre mon objectif de vue, je l'affiche même sur un post-it accroché à mon écran au boulot.


J-2

Départ pour Zurich en voiture le vendredi à 14h. Le GPS de la voiture choisit de me faire passer par les routes de montagne en Alsace, je me retrouve dans la peau de Sébastien Loeb à enchainer les lacets au frein à main ... enfin presque. Arrivée à Zurich à 21h après quelques embouteillages et détours. Je loge dans l'appart d'une copine de l'UTC, qui est malheureusement en vacances mais a gentiment proposé de me prêter son appart. J'y suis d'ailleurs très bien accueilli comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous.


Après avoir vidé la voiture, je pars faire un petit footing et en profite pour repérer la station de tram pour demain. En rentrant, je me fais le traditionnel plat de pâtes. Je me rends compte que j'ai réussi la prouesse de venir en Suisse avec du gruyère belge.

J-1

Réveil à 9h. Il fait très très chaud, ça va être sympa pour demain. Je pars au village expo en tram récupérer mes dossards. Comme prévu, j'ai la confirmation de ce que je craignais.


Les combinaisons sont interdites car la température du lac est supérieure à 24.5°. Pour moi qui nage comme une limace unijambiste, c'est une mauvaise nouvelle, je comptais beaucoup sur la combi pour masquer ma faiblesse en natation et je peux déjà faire une croix sur mon objectif de 1h25 en natation. Je passe récupérer le package de course avec dossard et autocollants ainsi que les cadeaux de bienvenue (sac à dos, buff, échantillons). Je profite du village expo pour faire quelques emplettes, notamment acheter une paille pour mon bidon (voir photo plus bas) que j'ai oubliée à Bruxelles. Je rentre ensuite à l'appart. Alors que je veux préparer mon vélo et mes sacs de transition, je me rends compte que j'ai oublié l'enveloppe avec le dossard et les autocollants au village expo, par contre, j'ai bien pris tous les cadeaux, bien joué Sylvain. Pas grave, je dois de toutes façons y retourner dans l'après-midi pour déposer le vélo. Retour donc au village expo, je récupère mon kit et pars déposer mon vélo. Dans la file pour déposer le vélo, je fais la connaissance de David, un français dont c'est 1e Ironman et qui vise 12h et de Kevin, un canadien qui en est à son 8e Ironman et qui vise moins de 11h, et ça se voit, il est affûté comme une flèche d'indien partant à la chasse au dahu des Appalaches.
Après une bonne attente en plein soleil, je dépose mon vélo et prends bien soin de dégonfler les pneus pour éviter qu'ils n'éclatent avec la chaleur.


Retour à l'appart à 19h, un plat de pâtes, un yaourt, quelques étirements et au lit.

Jour J

Réveil à 4h37. Petit dej de champion, un Gatosport et deux tartines Nutella (spécial dédicace à Kilian). Direction ensuite la station de tram. D'après les horaires sur Internet, il devrait passer à 5h23. A 5h23 et une seconde à ma montre, il entre en gare, la ponctualité suisse n'est pas un mythe. J'arrive au départ à 6h, pas de stress, j'ai 1h avant le départ. Je commence par m'occuper du vélo, gonflage des pneus, sélection de la bonne vitesse et remplissage du bidon. Je vais ensuite déposer mes affaires pour le vélo dans le 1e sac de transition, je manque d'ailleurs d'oublier d'y mettre mes chaussures et mon cardio. Je m'occupe ensuite des affaires pour la course à pied que je mets dans le 2e sac de transition. C'est bon, tout est prêt, je peux me diriger vers le départ.


Tout le monde est très concentré, on peut sentir la tension et l'appréhension au moment de commencer cette longue journée, j'adore cette ambiance juste avant le départ. A 7h les fauves sont lâchés. 2500 athlètes qui partent en même temps, ce n'est plus de la natation, c'est une bataille pour avoir un bout d'espace où nager. Coup de pieds, de coudes, de mains, mieux vaut ne pas être trop stressé. Contrairement à Nice où j'étais parti dernier, là je choisis de me placer en milieu de peloton et j'en suis quitte pour quelques coups qui me laisseront notamment avec une lèvre ensanglantée (je sais qui c'est, il avait un bonnet jaune).



La situation se calme assez rapidement et j'arrive à bien poser ma nage, respiration tous les 3 mouvements, bien relax, tout est sous contrôle. La première boucle passe très rapidement, j'ai vraiment l'impression (trompeuse) d'avoir nagé vite. J'attaque la 2e boucle, tout va toujours très bien, je profite vraiment du moment, je suis à l'aise et je me régale à nager dans ce lac. Je me rends compte que j'ai vraiment beaucoup de chance d'être là où je suis et me force à rester dans l'instant et profiter des sensations plutôt que de laisser mon esprit vagabonder. La 2e boucle se termine elle aussi rapidement et je suis déçu que ce soit déjà terminé, j'aurais bien fait un tour de plus. En sortant de l'eau, je vois qu'il y a encore beaucoup de vélos dans le parc, ce qui est plutôt bon signe et inhabituel, ça veut dire qu'il y a du monde derrière (environ 1000 athlètes). Par contre, niveau chronométrique, c'est assez décevant, 1h37 (1405e temps) pour boucler les 3,8 km. Le bon côté des choses, c'est que j'ai vraiment géré et que je ne suis pas du tout entamé physiquement.


Transition rapide: je me tartine de crème solaire, j'enlève mon maillot de bain, mets casque, chaussures, maillot cycliste et c'est parti pour le vélo.
Le parcours est une boucle de 90 km à faire deux fois. Ca commence par 25 km de plat. Ma stratégie de course est basée sur mon rythme cardiaque, les premiers 45km à 140 max, les 45 suivants à 145 max et les 90 derniers à 150 max. Bizarrement, alors que je respecte les pulses, je double beaucoup de monde. Ca m'interpelle un peu au début mais bon, je suis à 136/137 pulses, j'ai des jambes de feu donc en avant Guinguamp.


Petit coup d'oeil au chrono après 25 km, plus de 36 km/h de moyenne, ah quand même, ça commence à faire vraiment rapide. Heureusement, les premières montées arrivent et permettent de faire chuter un peu la moyenne (mais mais sérieux 36 km/h, après on va dire que je suis dopé). Les montées me permettent d'ailleurs de constater une autre faiblesse, je me fais dépasser par tout ceux que j'avais repris sur le plat. J'ai l'impression qu'il va falloir travailler un peu plus en côte. Il fait très chaud mais heureusement, les ravitaillements sont nombreux et avec 3 bidons, je suis tranquille. Après quelques collines, place à "The Beast", une montée de 3 km à 6,6% de moyenne. Dur, dur, surtout avec le soleil qui tape très fort (ma montre affiche 38° au 2e passage).


S'ensuit une courte descente avant une montée, pas trop raide mais interminable. Je pensais qu'après "The Beast", il n'y avait plus que de la descente, apparemment non. La prochaine fois, j'étudierai sérieusement le profil. Passée cette montée, le retour sur Zurich se fait à la vitesse grand V avec notamment une belle descente où je me fais flasher à plus de 75 km/h. La boucle termine par Heartbreak Hill, une montée courte mais raide avec beaucoup de spectateurs, ce n'est pas encore l'Alpe d'Huez niveau ambiance mais c'est génial de grimper au milieu d'une haie de spectateurs.



Je termine le premier tour à plus de 31 km/h de moyenne, va falloir songer à ralentir sérieusement si je veux tenir mon objectif de 27 km/h sur les 180 km.
J'attaque la deuxième boucle bien frais. Il fait plus chaud que lors du premier passage et la moyenne s'en ressent. 2e passage dans "The Beast", tout va bien.


Je continue à bien m'alimenter, aucun souci de ce côté là. Je boucle mon 2e tour un peu moins rapidement et passe sous la barre des 6h (5h57'44, 854e temps), avec une moyenne supérieure à 30 km/h. Je suis super content de mon temps, et ce d'autant plus que j'ai bien géré mon effort et que je me sens bien frais.

2e transition : je récupère mon sac et pars dans la tente pour m'équiper. Je sors les chaussures, le t-shirt, la casquette et et et ??? Dites moi pas que c'est pas vrai, j'ai réussi la prouesse d'oublier les chaussettes !!!! Elles sont restées dans le sac avec mes affaires pour après la course. Rapidement, je passe en revue les options possibles:
- Piquer les chaussettes du gars à côté de moi qui visiblement a plus besoin d'un médecin que d'une paire de chaussettes => pas classe
- Soudoyer un arbitre pour aller chercher les chaussettes dans mon sac d'après-course => pas (assez) de cash
- Courir sans chaussettes => challenge accepted


Me voilà donc parti pour courir un marathon sans chaussettes. Je dois avouer que ça me stressait un peu au début mais maintenant que j'ai fait ce choix, ça ne sert plus à rien de stresser ou de ruminer mon erreur, il faut faire avec. La marathon consiste en une boucle de 10,5 km dans le centre ville de Zurich à parcourir 4 fois (7 pour les plus motivés). Il fait très chaud sur le premier tour. Heureusement, les ravitaillements sont nombreux et j'en profite pour mettre des glaçons dans ma magnifique casquette Cantal Auvergne.


Je fais aussi ma première (et dernière) pause pipi de la course, on peut dire que de ce côté-là, je n'aurais pas perdu trop de temps. Encore une fois bien préparé, j'arrive à rater le chronométrage: je loupe le départ de la 1e boucle et je mets en pause le chrono un peu plus loin, tant pis pour le temps, on va faire ça aux pulsations (et pas à la vitesse, j'ai aussi raté le paramétrage de ma montre pour ça). Au bout de quelques kilomètres, je fais la connaissance de Jean-Claude, un Suisse qui approche de la cinquantaine. Son objectif est de passer sous la barre des 12 heures. Etant donné mon très bon temps à vélo, je me dis que c'est possible et nous courons ensemble.


Comme vous le voyez sur la photo, je suis à l'aise, tout va bien. Par contre, Jean-Claude fait un peu la grimace. Et pour cause, les crampes ont raison de lui et il doit se mettre à marcher. Je l'abandonne donc après une dizaine de kilomètres passés ensemble. Il terminera en 12h27 avec un marathon en 4h41. Le premier tour passe très rapidement, le circuit est plaisant, assez varié et beaucoup moins monotone qu'à Nice. Je me sens très en confiance, je suis sur un rythme relativement tranquille et j'ai la certitude de pouvoir le tenir jusqu'à l'arrivée.


Le deuxième tour est avalé au même rythme. Dame Nature a décidé d'être gentille avec nous et nous envoie quelques nuages pour nous protéger du soleil. A chaque ravito, je mets quand même des éponges sur mes épaules pour me rafraichir. Niveau nutrition, tout va toujours très bien, j'alterne gels et bananes pour la nourriture et bois beaucoup d'eau. Je vois qu'il me reste 2h10 pour courir les 21 km restants si je veux terminer en moins de 12h, ce qui est tout à fait gérable.
Je continue sur le même rythme au 3e tour, je me sens vraiment bien, tout est sous contrôle. A chaque tour, on récupère un chouchou de couleur différente (au niveau de mon coude sur la photo). Quand on a 4, c'est bon signe, c'est que la fin est proche. J'ai 1h10 pour boucler le dernier tour, même si je me fais une cheville, ce sera bon.


Physiquement tout va bien, je n'ai pas de douleurs ni d'ampoules, par contre, j'ai une petite lassitude au niveau mental. Je sais que je vais passer sous les 12h, que tous mes objectifs sont atteints au délà de mes espérances et donc je me permets de marcher un peu entre le kilomètre 34 et le kilomètre 37. Si j'avais eu mon temps en course à pied (comprendre "si j'avais su me servir de ma montre"), j'aurais pu voir qu'il était possible de terminer le marathon en moins de 4h et je n'aurais pas marché. A 4 km de l'arrivée, je me fais doubler par quelqu'un que je crois être David (rencontré la veille). Du coup, je relance et me mets à ses côtés. Ce n'est pas lui mais Tim, sympathique anglais qui avance à un bon rythme. Je décide de m'accrocher à lui et me promets de ne pas le lâcher. On termine rapidement, je me sens super bien, tellement bien que je le lâche sur le dernier kilomètre et termine à la vitesse supersonique de 15 km/h. Je ralentis sur les 30 derniers mètres pour profiter de l'ambiance, je tape dans les mains des spectateurs, c'est génial.


Après avoir passé la ligne, je jette quand même au coup d'oeil au chronomètre, 11h51 (684e pour un peu moins de 1900 finishers), j'ai du mal à y croire, je suis super content (mais ne vomis pas ;-), j'ai envie d'embrasser tout le monde, d'ailleurs j'embrasse tout le monde qui passe, triathlètes et volontaires. Ca y est, c'est fait, je suis un Ironman pour la 2e fois. Après un passage éclair au ravito d'après course pour manger des pâtes, je rentre rapidement à l'appart. Pourquoi me depêcher et ne pas profiter un peu plus ? Tout simplement parce que je dois encore rentrer à Bruxelles. Ayant un nombre très limité de jours de congés, je dois être au boulot demain matin. Deux heures après la fin de la course, la voiture est chargée et je quitte Zurich pour l'épreuve la plus dure de la journée, le retour. Quelques pauses, un flash, 2 Red Bull et 660 km plus tard, j'arrive chez moi à 3h30. Autant dire que le réveil à 8h30 le lendemain a été un poil difficile.

Petite vidéo de ma course.

Bilan

Je retiens de cette course l'énorme plaisir que j'y ai pris et la très grande facilité que j'ai ressentie tout au long de l'épreuve. J'ai vraiment géré mon effort et tout s'est passé comme dans un rêve. Passer sous les 12h était dans mes objectifs mais je ne pensais pas que ça arriverait sur cet Ironman. Côté regret, étant donné mon état de forme passé la ligne d'arrivée, je me dis que j'aurais pu (dû ?) aller beaucoup plus vite, les 11h30 étaient jouables. Pour le prochain, avec un entrainement un peu plus structuré, il y a moyen d'aller taquiner les 11h.
Mes temps officiels:
- Natation: 1h37'50 (1405e temps)
- Transition 1: 04'07
- Vélo: 5h57'44 à 30.23 km/h de moyenne (854e temps)
- Transition 2: 06'14
- Course à pied: 4h05'47 à 10.3 km/h de moyenne (424e temps)
- Temps total: 11h51'40 (684e)

Les données de ma montre pour ceux que ça intéresse:
- vélo
- course à pied

Maintenant place à la récup avant LE défi de cet année, la CCC fin août. Pour l'instant, j'en suis à 3/3 niveau courses terminées, pourvu que ça dure.