lundi 21 décembre 2015

UTPMA 2015

C'est l'histoire d'un mec qui finit premier à un concours de circonstances et qui se retrouve au départ d'un trail de 104 km avec plus de 5400 mètres de dénivelé positif en ayant basé sa préparation sur la pratique du frisbee. Mais de quoi il parle là ? De l'UTPMA, Ultra Trail du Puy Mary Aurillac, course qui a le bon goût de parcourir les montagnes qui ont vu grandir l'auteur de ses mots. Dès la création de la course, je me suis dit que je devais y participer un jour. Il était dit que 2015 serait la bonne année. Plusieurs mois à l'avance, je note le jour de la course dans mon agenda. Après une légère réorientation professionnelle, je me retrouve à partir avec MSF au Sud Soudan pour 6 mois, retour en France pile poil avant la course. Malheureusement, je dois participer à une formation à Bruxelles qui termine le vendredi 19 juin à 17h, soit 7h avant le départ à Aurillac, impossible n'est pas Sylvain mais quand même un peu. Du coup, j'abandonne l'idée de participer. Quelques mois plus tard, je me retrouve à décaler cette formation au mois d'Octobre mais j'avais complètement oublié la course. Alors que je commençais à planifier mes vacances post-mission, je vois le nom de la course dans mon agenda et je me dis “tiens, ça pourrait passer finalement”, même si je me doute que les inscriptions doivent être closes (et oui, faut pas croire, il y a plein de gens que ça intéresse ces courses du dimanche qui commencent le vendredi ... mais terminent le dimanche pour certains). Sans trop d'espoir, je me rends sur le site de la course et là bingo, ils venaient de réouvrir 100 places le jour même. Et voilà comment je me retrouve en ce vendredi 19 juin à 23h55 à moins de 5 minutes d'une très longue journée (et plus si affinités). 
Je suis rentré du Sud Soudan à peine 2 semaines avant, j'ai enchaîné les voyages depuis (Bruxelles – Paris – Aurillac – Biscarosse – Paris – Prague – Naples – Paris – Aurillac), je suis complètement cassé et c'est là ma chance. Ce n'est pas ma 1e expérience sur la distance mais les départs étaient toujours tôt le matin donc il y avait moyen de dormir. Pour l'UTPMA, le départ est fixé à minuit, donc avec les préparatifs d'avant course, pas de nuit possible, à moins de se coucher très tôt. Etant un coureur bon élève, j'assiste au briefing pendant lequel je m'endors 2 fois, file à la pasta party m'enfiler le plat de pâtes réglementaire en 2 secondes chrono et avant 8h, je suis déjà en train de ronfler. Je bénéficie donc d'une nuit courte (3h30) mais qui fait toute la différence. Je me réveille plutôt frais à 11h15, tout le matos est prêt, la ligne de départ est juste à côté.


Minuit top départ. La stratégie de course est simple: se faire plaisir en gardant un oeil sur le chrono pour ne rater les barrières horaires comme à l'UTB. La 1e partie de course jusqu'à Mandailles, 40 km avec relativement peu de dénivelé (1800m D+), c'est l'échauffement. Je dois absolument y arriver bien frais. Du coup, je pars dans les dernières positions et me mets en première, tout doux Cochonou. Pas mal de passages techniques avec de la boue et des terrains instables, merci les Xodus. Quand le jour se lève enfin en arrivant sur Cabrespine, tout le cirque de Mandailles s'offre à nous, simplement magique. 


Autant je ne connaissais pas la 1e partie de course, autant là, je suis avec Frédéric Lopez en terrain connu. Je passe juste à côté de la maison où j'ai grandi. Qui la retrouve ? 


J'arrive à Mandailles avec 1h d'avance sur mes prévisions, tous les voyants sont au vert (comme la crème du pays). De là, on attaque la montée au Piquet. Je m'attendais à quelque chose d’extrêmement raide et technique, genre limite escalade suite au briefing mais comme c'est moins pire que ce que à quoi je m'attendais, ça passe bien. Après le Piquet, on reste sur la crête qui mène au Chavaroche, vue royale. 


On redescend ensuite au Redondet avant de remonter au pas de Peyrol puis le fameux escalier du Puy Mary. Le temps est magnifique, j'en prends plein la vue, ça faisait tellement longtemps que je n'étais pas venu dans le coin. Je n'aurai pas fait le voyage à vide, en une journée, on passe par tous les sommets du coin. Au sommet du Puy Mary, je suis toujours en avance sur mes prévisions. La crête du Puy Mary au Peyre Arse, en passant par la brèche de Rolland, c'est le panard total, vue à 360° sur les montagnes, je suis au paradis. 


La descente du Peyre Arse, très raide et technique me ramène sur terre et me rappelle à quel point je manque d'entrainement, les jambes tétanisent en 2 secondes, je suis obligé d'aller au ralenti. J'ai aussi mon premier coup de moins bien. Je pensais faire Puy Mary – Le Lioran en 1h30, je mettrai le double. Après la Bataillouse, au lieu de descendre directement sur la station, on enchaîne les bosses avant de finalement descendre, avec encore du casse pattes. 


J'arrive enfin au Lioran et franchement, je ne suis pas frais. Mais mon papounet préféré est là et après une bonne pause ravito et changement intégral de tenue, je suis un autre homme. Je me sens bien et prêt à attaquer la 2e moitié du parcours, presque déjà 14h que j'ai quitté Aurillac. C'est reparti pour la montée au Puy Griou, sur des belles pistes forestières, avec juste ce qu'il faut de soleil pour nous accompagner. 


Pendant la montée, un petit groupe de 4 coureurs se forment jusqu'au pied du Puy Griou. En voyant la dernière portion de montée, courte mais ultra raide et technique, un coureur décide d'abandonner et renonce. C'est dommage parce que la vue d'en haut vaut le détour. On peut voir tout ce qu'on a parcouru depuis le lever du soleil. 


A la descente vers le col du Perthus, j'ai un gros coup de mieux, et accélère franchement le rythme. Ce sont des chemins que je connais vraiment bien et encore une fois, je me régale.


J'accélère tellement qu'en arrivant au col, papa n'est pas encore arrivé. Ne m'attendant pas aussi tôt, il est parti acheter du fromage (c'est vrai qu'il est bon dans le coin). Du coup, je décide de ne pas l'attendre et après un ravito éclair, j'attaque la montée aux Elancèzes. 16 heures de course, pas de bobo, c'est d'la boule. Rebelote au sommet, encore une vue à couper le souffle. Le plus gros du dénivelé est fait, plus qu'à se laisser (plus ou moins) descendre jusqu'à Aurillac, 30 km quand même. Et là, j'ai mon 2e coup de mou, pas une grosse motivation, j'ai du mal à relancer. J'avance mais je sens passer le vent des escargots qui me doublent. J'arrive au ravito du Cayla où cette fois, papa est arrivé avec 2h d'avance et soyons honnêtes, je ne suis pas au top. Mais là encore, le ravito et les encouragements me reboostent et je repars métamorphosé, je me sens frais et je cours à une bonne allure (j'arrive même à faire un kilomètre à presque 10 km/h de moyenne, ils font moins les malins les escargots).Je retrouve le plaisir de courir sur des petits chemins et j'ai l'impression que la course vient de commencer.


J'arrive à Saint Simon à la tombée de la nuit, je suis encore dans les temps pour finir en moins de 24h. Du coup, je ne m'arrête quasiment pas et me dirige rapidement vers l'avant dernière difficulté du parcours, le plateau de 3 mages. L'ultra, ce sont des cycles, des moments d'euphorie où tout va bien et des moments au fond du trou, C'est la gestion de ces cycles qui va faire la différence entre finir la course et abandonner. J'étais arrivé à Saint Simon euphorique mais dès le début de la montée, je déchante, mes jambes sont restées au ravito (les fourbesses) et ma vitesse approche celle de réaction de l'OMS face à la dernière épidémie d'Ebola. Je n'avance plus, il fait nuit et j'ai juste envie de m'asseoir tout le temps. D'ailleurs je m'assoie tout le temps mais j'essaye de quand même marcher un peu entre les pauses. Je réalise très rapidement que je peux oublier terminer sous les 24h et comme je sais que j'ai 26h max pour finir, je n'ai pas la pression de la barrière horaire pour me motiver. Du coup, je traîne ma carcasse, arc bouté sur mes bâtons, ma playlist Ironman dans les oreilles qui me donne l'énergie de continuer à avancer. Je fais le calcul qu'il me reste environ 2 heures de course et quelque part, ça me soulage, j'ai l'impression que ce n'est rien du tout.
Les lueurs de la ville arrivent enfin mais comme bien précisé au briefing, il reste la surprise du chef, le puy Courny, c'est court mais ça grimpe droit dans la pente. Après plus de 24h de course, c'est mentalement très dur de toucher la ligne d'arrivée du bout des ampoules mais de devoir faire un petit crochet pour profiter de la vue (ou pas, il fait nuit) sur Aurillac. Tant bien que mal, j'arrive au sommet, je n'ai plus la motivation pour courir et je marche tranquillement vers la ligne d'arrivée. Je traverse ces rues familières que j'ai tant arpentées pendant mon adolescence et après 25 heures et 17 minutes (Strava), je passe la ligne d'arrivée.


Comme d'habitude, c'est open bar endorphine et je ne sens plus la fatigue, je suis juste heureux. Heureux d'avoir passé une journée à faire ce que j'aime, dans des paysages splendides. Je n'étais pas préparé pour cette course mais l'expérience et le mental m'ont amené au bout de cette belle aventure et j'ai juste une question en tête “c'est quand la prochaine ?” Un grand merci à François et sa maman qui m'ont formidablement accueilli, à mon papa pour son soutien pendant la course et à mon frère pour être venu me chercher à l'arrivée. Enfin, un tout grand merci à Simon et Garfunkel, sans qui tout cela ne serait pas possible, elles comprendront.

Et une course en moins dans ma liste (il reste encore du boulot):
Ironman Nice
- Embrunman
- Norseman
- Challenge Roth
UTPMA
- Ronda Del Cims
Templiers
- Saintélyon
- UTMB
- Wasatch 100
- Western States
- Marathon de Berlin
- Ottilo
- Escape from Alcatraz
- Pierra Menta
- Tor des Géants
- Diagonale des fous
- Manhattan Island Marathon Swim
- Everest Sky Race

En bonus, la vidéo de mon arrivée au sprint.