jeudi 5 septembre 2013

CCC 2013

Intro

Pourquoi ? En lisant ce compte-rendu, vous allez sûrement vous demander pourquoi participer à une course de ce genre. J'espère que grâce au récit qui suit, vous comprendrez les raisons qui me poussent à me lancer ce genre de défis et qui sait, il vous donnera peut-être envie de vous lancer vous aussi.
Mais de quoi parle-t-on d'abord ? De la CCC, pour Courmayeur, Champex, Chamonix, un trail qui comme son nom l'indique part de Courmayeur en Italie, passe à Champex en Suisse et termine à Chamonix en faisant un demi-tour du Mont Blanc dans le sens anti-horaire.


En chiffres, ça donne 100 km environ, 6000 mètres de dénivelé positif (D+), 1900 coureurs au départ, un peu moins à l'arrivée, 26 heures maximum. Le profil de la course fait quand même un peu peur, ce n'est clairement plus le plat pays qui est le mien.


Cette course est la petite soeur de LA course, l'UTMB, l'Ultra Trail du Mont Blanc, 168 km, 9600 mètres de D+, le mythe auquel chaque traileur rêve de se mesurer un jour. La CCC emprunte les 100 derniers kilomètres du parcours de l'UTMB, du coup, je me dis que dans l'optique de l'UTMB, en faisant la CCC, j'aurais déjà reconnu les 2/3 du parcours.

C'est la première fois que je m'attaque à une course aussi longue et je dois avouer que j'appréhende quand même un peu. En plus, par manque de motivation, je n'ai couru que 3 fois le mois précédant la course. Le bon côté des choses, c'est que je suis bien frais. L'objectif est avant tout de me faire plaisir et de finir en bon état, pas comme le mannequin ci-dessous vu dans une pharmacie à Chamonix.

J - avant


Le départ de la course est fixé à 9h le vendredi matin. Etant toujours limité pour les jours de congés, je pars le mercredi soir après le boulot à Paris où je loge chez Yann, avec qui je devais courir la CCC. Officiellement il ne court pas à cause d'une blessure à la cheville (des témoins ? Passe ton chemin Yannick ;-), officieusement il se mumurure qu'il a été impressionné par ma perf' à Zurich ;-) Je repars de Paris le jeudi matin à 5h45 pour arriver à Chamonix vers 13h. J'ai le plaisir de covoiturer avec Eric qui lui n'est pas sur la course enfant et s'attaque à l'UTMB (finisher en 43h et des cagettes). Du coup, vous imaginez qu'on n'a pas manqué de sujet de discussion.
A Chamonix, j'ai la chance de loger chez Jane, une anglaise avec qui j'avais voyagé quelques semaines en Amérique du Sud et qui a en plus le bon goût d'habiter juste à côté du centre-ville où tout se passe. Une fois arrivé, je pars récupérer mon dossard, formalité qui me prendra quand même 2 heures, faut dire qu'il y a quand même un peu de monde.


Je pars ensuite me promener sur le salon de l'ultra-trail voir les dernières nouveautés et j'arrive même à ne rien acheter, à part 2 bidons pour la course, vu que ceux que j'ai apporté ont quelques problèmes de fuites. Je rentre ensuite à l'appart préparer toutes mes affaires et cette fois, je tâche de ne rien oublier. En plus des vêtements que je porte au départ, j'emporte dans mon sac à dos:
  • 2 bidons
  • 4 gels
  • 1 mix de cacahuètes, noix de cajou, raisins secs, bananes séchées
  • de la poudre énergétique à mélanger avec de l'eau
  • 1 téléphone avec casque pour la musique
  • 2 lampes frontales avec piles de rechange pour chaque lampe
  • 1 buff
  • 1 paire de gants chauds
  • 1 paire de gants imperméables
  • 1 t-shirt manches longues de rechange
  • 1 paire de manchons de vélo
  • 1 paire de chaussettes de rechange
  • 1 short de rechange
  • 1 pantalon imperméable
  • 1 veste coupe-vent
  • 1 veste imperméable
  • 1 tube de crème anti-frottements
  • 1 paire de bâtons de marche
  • 1 paire de lunettes de soleil
  • 1 appareil photo avec batterie de rechange
  • des mouchoirs en papiers
Pas le temps de faire une sieste, il est déjà temps de rejoindre Jane pour diner. Au menu, je tente une nouvelle approche, loin du traditionnel plat de pâtes et choisis de miser sur le combo hamburger/bière qui passe plutôt bien.


Ensuite retour à l'appart pour une courte nuit.

Jour J


Réveil de nouveau à 5h30 pour prendre la navette qui doit m'amener à Courmayeur. On arrive là-bas à 7h, plus que 2h à poireauter dans le froid avant le départ de la course. Comme la course traverse 3 pays, nous avons droit aux hymnes suisse, français puis italien avant le départ. De l'hymne français, je retiens deux mots "Marchons, marchons".

Courmayeur - Tête de la Tronche
10,4 km | + 1435 m | - 43 m | Vendredi 12h00 | 1150e 

Nous sommes 1909 au départ pour 1320 finishers, ce qui donne un pourcentage d'abandon relativement peu élevé, 30%, la météo très clémente ayant certainement jouée.
9h15, départ de la 2e vague (la 1e est partie à 9h) dont je fais partie au son de "Across the mountains" de Vangelis, la musique du film Gladiator, je pense que c'est bien choisi.



La stratégie de course est simple: marcher dans les montées pour récupérer et courir dès que ça descend ou que c'est plat le plus longtemps possible. Les premiers kilomètres montent tranquillement sur une route bitumée avant de laisser place à un beau chemin qui se rétrécit rapidement. On se retrouve à la queue leu leu pour monter à la Tête de la Tronche, quasiment 1400 mètres plus haut. Il fait beau et chaud (attention, une contrepèterie belge se cache dans ce début de phrase) et le rythme est tranquille, ça discute encore pas mal (ça ne va pas durer). C'est là haut qu'il faut monter.


Une fois en haut, je m'accorde une petite pause pour faire une vidéo.


Tête de la Tronche – Refuge Bertone
4,3 km | + 25 m | - 584 m | Vendredi 12h44 | 1169e

La descente vers le ravito au refuge Bertone 5 km plus loin est plaisante, ni trop raide, ni technique. Avec une pensée pour Yann qui m'aurait botté le cul s'il m'avait vu trainer au ravito, je ne m'attarde pas. Je prends juste de l'eau et un bout de tarte avant de repartir vers le refuge Bonatti qui se trouve à 7 km.
Quelques images de la montée vers la tête de la Tronche et la descente qui s'ensuit.


Refuge Bertone – Refuge Bonatti
7,4 km | + 286 m | - 300 m | Vendredi 13h57 | 1107e

Le chemin est plus ou moins plat, les paysages magnifiques.


Nouveau ravito au refuge Bonatti, je prends deux verres de coca, une soupe aux vermicelles, fais les niveaux des bidons et repars aussi sec vers le prochain ravito, Arnuva 4 km plus loin.

Refuge Bonatti – Arnuva
5,2 km | + 105 m | - 322 m | Vendredi 14h53 | 1034e

Faut avouer que le coin est joli.


La descente sur Arnuva par un petit chemin en lacets tout mignon.


J'arrive rapidement au ravito. Pause un peu plus longue cette fois-ci pour manger avant d'attaquer la grosse montée vers le grand col Ferret, un peu moins de 800 mètres plus haut. Comme d'hab, je commence par du coca, prends une soupe et côté solide, c'est oranges, bananes, morceaux de tartes et de  barres énergétiques, pain, saucisson, viande des grisons et fromage. C'est bon, j'ai fait des réserves.

Arnuva – Grand Col Ferret
4,4 km | + 754m | - 90 m | Vendredi 16h28 | 1069e

La montée est raide d'entrée mais passe plutôt bien, je me mets à mon rythme, bien concentré sur ma respiration. Il y a quelques nuages donc il ne fait pas trop chaud, des conditions idéales.




J'arrive rapidement au grand col Ferret qui marque la frontière entre l'Italie et la Suisse.


Grand Col Ferret – La Fouly
10,1 km | + 198 m | - 1071 m | Vendredi 18h05 | 1151e

C'est parti pour 18 km de descente. Je reste très concentré sur ma technique et fais des petit pas afin de bien amortir chaque pas et ne pas m'exploser les quadris. Du coup, je n'avance pas très vite mais au moins je sais qu'à ce rythme là, je peux tenir longtemps. Heureusement qu'on n'a pas couru ensemble Yann, t'aurais pété un câble devant mon rythme d'escargot des Carpates.


Après le refuge de La Peule, je croise Elliot, un ami de Jane qui fait la course mais sans dossard. Nous arrivons rapidement à La Fouly pour un ravitaillement express avant Champex. J'en profite pour faire une première pause aux toilettes.

La Fouly – Champex
14,1 km | + 567 m | - 223 m | Vendredi 20h40 | 1057e

Peu après La Fouly, nous passons sur un petit chemin surélevé au milieu de la forêt tout mignon et nous en profitons pour faire une petite vidéo.


Nous courons ensemble jusqu'à Champex où se trouve le ravito de mi-course. La montée sur Champex est raide mais l'ambiance sur la fin est géniale avec beaucoup de spectateurs pour nous encourager.


J'y retrouve Jane qui m'a apporté des chaussettes et un t-shirt de rechange. J'en profite pour me re-tartiner les pieds de crème anti-frottements. Bonne ambiance, on rigole bien avec Jane et Elliot, pas de stress, j'ai 1h30 d'avance sur les délais, ya le temps. Niveau ravito, comme d'hab, c'est open bar, et cette fois, ya même des pâtes bolo.


En plus, Jane m'a apporté du pain et du Nutella, si avec ça, je ne vais pas au bout, je ne comprends pas. Gêné par des douleurs au genou, Elliot préfère s'arrêter là et rentrer avec Jane. On discute, on discute mais il serait peut être temps de se remettre en route, ça fait quasi 1h que je suis là. La nuit est maintenant tombée, j'enfile ma veste coupe-vent, laisse ma casquette et mes lunettes de soleil à Jane, sors les frontales et c'est parti pour une longue longue longue nuit. Je me sens en pleine forme, pas de bobos et pas fatigué, tous les voyants sont au vert.

Champex – Bovine
9,1 km | + 691 m | - 358 m | Vendredi 23h31 | 1013e

Les premiers kilomètres de plat sont avalés rapidement avant d'attaquer la montée vers Bovine. L'ambiance a changé, il fait nuit, chacun est dans sa bulle, concentré. On peut voir au loin la lueur des frontales des coureurs qui nous précèdent, c'est magique et un peu flippant aussi de les voir aussi haut dans la montagne, on pourrait presque les confondre avec les étoiles. Vers la fin de la montée, rencontre assez irréelle avec des vaches qui elles aussi aiment bien se promener la nuit. Après les encouragements des spectateurs dans la journée, on a droit aux cloches des vaches la nuit, ce n'est pas mal non plus.

Bovine – Trient
7 km | + 223 m | - 799m | Samedi 0h54 | 938e

La descente sur Trient se fait en courant, toujours en restant bien concentré sur ma technique. Tout va bien, je sens que j'amortis bien et que je ne sollicite pas trop les quadris. J'adore courir la nuit et là, je dois dire que je me régale. J'arrive au ravito à Trient bien frais, 15h40 de course, au top. Par contre, je commence à avoir du mal avec la nourriture solide, je dois me forçer pour terminer le fromage et le saucisson mais pas de soucis, j'ai le stock de gels pour tenir jusqu'à l'arrivée. Comme je suis là avant tout pour me faire plaisir, je prends le temps de faire une petite vidéo, dédicace à une célèbre comédie française.


Et plus sérieusement.


Trient – Catogne
5,5 km | + 826 m | -108 m | Samedi 03h03 | 913e

C'est parti pour la montée des Tseppes vers Catogne, plus de 800 de D+. Dès le départ, ça grimpe fort. Après une petite demie-heure, j'ai mon premier coup de moins bien, je sens que je manque un peu de jus. Rien de bien surprenant me direz-vous après 17h de course. Pas de stress, je sais que ça ne va pas durer, il faut juste s'accrocher et continuer à avancer. Je sors les écouteurs et lance la compilation préparée pour les moments difficiles, du gros son qui met bien la patate. Je continue à monter en gardant un oeil sur l'altimètre, ce qui me permet de savoir le dénivelé restant. Alors que je pensais qu'il restait encore 200 mètres à grimper (en dénivelé hein, pas en distance), je vois le chemin qui redescend. Comme je ne connais pas bien le profil, j'évite de m'emballer, je sens le piège, genre ça y est, la montée est finie et au détour d'un virage, paf, tu reprends tes 200 mètres à grimper. J'arrive à un point de contrôle et en profite pour m'informer. Les bénévoles me confirment la bonne nouvelle, la montée est bien finie. Du coup, je fais une pause pour remettre de la crème anti-frottements sur mes pieds et changer de chaussettes et de t-shirt. Je discute quelques instants avec les bénévoles suisses très sympas, qui m'offrent un verre de Genepi pour me donner du courage.

Catogne – Vallorcine
5,1 km | + 33m | -746 m | Samedi 4h30 | 963e

Après cette pause revigorante, je me lance dans la descente, tout va bien, le coup de barre est passé. Toujours aussi agréable de courir en descente à la lueur de la frontale. J'arrive au col de la Forclaz, plus que quelques kilomètres de descente avant le ravitaillement de Vallorcine. Là, je coince de nouveau, je manque de jus et j'ai les cuisses qui commencent à gueuler un peu. Du coup, je termine la descente en marchant. J'arrive à Vallorcine vers 4h30 et je suis épaté qu'il y ait des spectateurs pour nous encourager.

Vallorcine – Tête aux Vents
7,7 km | + 857 m | - 26 m | Samedi 7h33 | 972e

Au ravito, je sens que mon estomac n'est toujours emballé par la nourriture solide mais quand je vois qu'il y a des cookies, je ne peux pas résister et en mange plusieurs. J'y ajoute une soupe et du coca.



A partir de Vallorcine, c'est la montée finale avant la descente sur Chamonix. Autant dire que je tiens le bon bout, plus que 18 km, j'ai de la marge sur les délais, no stress. La première partie de l'ascension jusqu'au col des Montets (qui porte bien son nom) est douce et passe bien, le ravito m'a un peu reboosté. Arrivé au col, il reste la montée terrible jusqu'à la Tête aux Vents, 700 mètres de D+ sur 4 kilomètres, un mur. Déjà qu'en temps normal, ça aurait piqué mais alors là, après 20h30 de course, ça fait très très très mal. Petite pause pour changer les piles des frontales et avaler un gel avant d'attaquer le monstre.


On ne le voit pas sur la vidéo mais la lueur des frontales des coureurs devant permet de se rendre compte de la verticalité de la pente et ça met un gros coup au moral. Comme prévu, la première partie est raide, je vais doucement mais j'avance. La deuxième partie est aussi raide mais en plus, ya plein de caillasses en travers du chemin. A mi-chemin, le soleil se lève, je peux éteindre la frontale et profiter du paysage absolument magnifique.


La fin de l'ascension est moins raide mais pour autant, je n'avance pas très vite, je sens que je n'ai plus trop de jus. Arrivé au col, je suis accueilli par un spectacle magique, le massif du Mont Blanc est complètement dégagé, les cimes des montagnes sont éclairées par le soleil, c'est splendide.


Heureusement que je ne suis pas allé trop vite, sinon j'aurais raté ce spectacle absolument grandiose. Le Mont Blanc à gauche, un coureur au top de sa forme à droite ;-)


Tête aux Vents – La Flégère
3,5 km | + 46 m | - 297 m | Samedi 08h19 | 973e

A partir du col, il ne reste quasiment plus que de la descente. Le souci, c'est qu'après 22h de course, les jambes n'ont plus franchement envie de descendre. Autant dire que les 1300 mètres de dénivelé négatif jusqu'à Chamonix ne me réjouisse mais alors pas du tout. Cela dit, je pense encore pouvoir terminer en moins de 24 heures et du coup, j'attaque la descente en courant. L'excitation de l'arrivée proche ainsi que le lever du jour m'ont redonné la patate et de manière très surprenante, je ne me sens pas du tout fatigué. Ce constat est d'ailleurs valable pour toute la nuit. A ma plus grand surprise, je n'ai jamais eu envie de dormir, manque de jus par moments, oui mais envie de dormir, non. C'est comme si le corps avait compris qu'il n'y aurait pas de dodo cette nuit là et du coup, il m'a laissé tranquille avec le sommeil. Un ou deux kilomètres après le début de la descente, je manque de me prendre une grosse gamelle en glissant sur un rocher. Je me dis que ce serait dommage d'abandonner si près du but et décide, pour le plus grand bonheur de mes quadriceps, de ralentir le pas.

La Flégère – Chamonix
8 km | + 63m | - 1016 m | Samedi 9h50 | 971e

Dernier ravito avant l'arrivée, je m'arrête 30 secondes pour boire un coca et repars aussi sec. Je profite de ces derniers kilomètres de course même si mes jambes attendent impatiemment la ligne d'arrivée. Je ne cours plus, ni dans les descentes, ni sur le plat. La fin du parcours nous fait faire un petit tour dans le centre-ville et je termine en footing, encouragé par la foule très nombreuse.


Il est 9h50, je passe la ligne d'arrivée après 24 heures 35 minutes et 22 secondes (j'y tiens) de course. L'adrénaline inonde mon cerveau et je suis complètement euphorique, c'est génial et en même temps, je suis un peu triste que ce soit déjà fini, j'aurais bien continué encore un peu.


Passée la ligne, je retrouve Jane et nous nous installons en terrasse pour fêter ça. Je l'aurai mérité mon petit jaune.


Petite photo devant l'église avec le gilet de finisher.


Nous rentrons ensuite à l'appart où je prends une douche bien méritée. Je m'accorde une petite sieste de 3 heures avant de prendre la route pour l'Alsace où je fais une étape avant le retour à Bruxelles le lendemain en fin d'après-midi.
Au final, je ne retiens de cette course que du positif:
  • J'ai vraiment bien géré mon effort et mes cuisses et du coup, j'ai pu me faire plaisir pendant quasiment toute la course, je me suis vraiment régalé, de jour comme de nuit.
  • Les paysages étaient magnifiques, de jour comme de jour ;-)
  • L'organisation était nickel, les bénévoles super sympas, les spectateurs nombreux, même la nuit, ambiance au top.
  • 3 jours après, je n'ai plus de courbatures et j'ai déjà repris l'entrainement en natation et en apnée.
Ca fait 4/4, le contrat est rempli pour cette année. Pour l'année prochaine, un petit combo Embrunman - UTMB me tente bien.


Je vais terminer en remerciant Jane pour son accueil et son soutien pendant la course ainsi que Yann, Yannick, Walter et Jenna pour leurs textos d'encouragement durant la course.

mercredi 7 août 2013

Ironman Zurich 2013

Intro

"T'es un malade" est la phrase qui revient le plus souvent quand j'explique que je m'entraine pour un Ironman. J'espère que grâce à ce compte-rendu, je vais pouvoir démystifier un peu cette épreuve et vous prouver que terminer un Ironman n'a rien d'exceptionnel. Pour rappel, un Ironman consiste à enchaîner les trois disciplines du triathlon: on commence par s'échauffer en nageant 3.8 km en eau libre (voire plus suivant le talent du nageur à prendre la bonne trajectoire), puis vient le gros morceau: 180.2 km de vélo (sans rouler en peloton) et on termine par un décrassage en courant/marchant un marathon (environ 42.195 km), le tout en moins de 16h si on veut recevoir une médaille et pouvoir dire "I AM AN IRONMAN". Je suis tombé dans le triathlon à un peu par hasard et dès que j'ai entendu parler de l'Ironman, j'ai eu envie d'y aller, de voir si j'en étais capable. Après une année 2010 compliquée, je m'inscris en 2011 à l'Ironman de Nice que je termine en 13h47 à la 1601e place (oui, c'est bien moi sur la photo).


J'en garde un très bon souvenir et contrairement à ce qu'on pourrait penser, à la fin de la course, je n'avais qu'une seule envie, en refaire un tellement j'avais pris mon pied sur (quasi) toute la course. Me revoilà donc en 2013 inscrit à l'Ironman Zurich.
Contrairement à 2011 où je m'étais entrainé très sérieusement, je choisis cette fois une approche beaucoup plus relax (fini les semaines à plus de 20h d'entrainement). Ca se ressent d'ailleurs dans les chiffres:
En 2011, sur les 6 premiers mois de l'année, j'avais cumulé:
- 174 km de natation
- 2959 km de vélo
- 638 km de course à pied
En 2013, avec un mois de plus de préparation, j'ai fait:
- 100 km de natation
- 1189 km de vélo
- 958 km de course à pied
Autant dire que je suis loin du compte en natation et vélo. Cela dit, je me fixe comme objectif d'aller plus vite qu'à Nice, en gardant à l'esprit que le parcours vélo est beaucoup plus facile et que j'ai l'expérience du premier.
Objectifs:
- Natation: 1h25 (1h28 à Nice)
- Vélo: 6h40 (7h15 à Nice)
- Course à pied: 4h10 (4h45 à Nice)
Ce qui, en ajoutant les temps de transition (2 fois 5 minutes) donne un temps total de 12h25. Pour être sûr de ne pas perdre mon objectif de vue, je l'affiche même sur un post-it accroché à mon écran au boulot.


J-2

Départ pour Zurich en voiture le vendredi à 14h. Le GPS de la voiture choisit de me faire passer par les routes de montagne en Alsace, je me retrouve dans la peau de Sébastien Loeb à enchainer les lacets au frein à main ... enfin presque. Arrivée à Zurich à 21h après quelques embouteillages et détours. Je loge dans l'appart d'une copine de l'UTC, qui est malheureusement en vacances mais a gentiment proposé de me prêter son appart. J'y suis d'ailleurs très bien accueilli comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous.


Après avoir vidé la voiture, je pars faire un petit footing et en profite pour repérer la station de tram pour demain. En rentrant, je me fais le traditionnel plat de pâtes. Je me rends compte que j'ai réussi la prouesse de venir en Suisse avec du gruyère belge.

J-1

Réveil à 9h. Il fait très très chaud, ça va être sympa pour demain. Je pars au village expo en tram récupérer mes dossards. Comme prévu, j'ai la confirmation de ce que je craignais.


Les combinaisons sont interdites car la température du lac est supérieure à 24.5°. Pour moi qui nage comme une limace unijambiste, c'est une mauvaise nouvelle, je comptais beaucoup sur la combi pour masquer ma faiblesse en natation et je peux déjà faire une croix sur mon objectif de 1h25 en natation. Je passe récupérer le package de course avec dossard et autocollants ainsi que les cadeaux de bienvenue (sac à dos, buff, échantillons). Je profite du village expo pour faire quelques emplettes, notamment acheter une paille pour mon bidon (voir photo plus bas) que j'ai oubliée à Bruxelles. Je rentre ensuite à l'appart. Alors que je veux préparer mon vélo et mes sacs de transition, je me rends compte que j'ai oublié l'enveloppe avec le dossard et les autocollants au village expo, par contre, j'ai bien pris tous les cadeaux, bien joué Sylvain. Pas grave, je dois de toutes façons y retourner dans l'après-midi pour déposer le vélo. Retour donc au village expo, je récupère mon kit et pars déposer mon vélo. Dans la file pour déposer le vélo, je fais la connaissance de David, un français dont c'est 1e Ironman et qui vise 12h et de Kevin, un canadien qui en est à son 8e Ironman et qui vise moins de 11h, et ça se voit, il est affûté comme une flèche d'indien partant à la chasse au dahu des Appalaches.
Après une bonne attente en plein soleil, je dépose mon vélo et prends bien soin de dégonfler les pneus pour éviter qu'ils n'éclatent avec la chaleur.


Retour à l'appart à 19h, un plat de pâtes, un yaourt, quelques étirements et au lit.

Jour J

Réveil à 4h37. Petit dej de champion, un Gatosport et deux tartines Nutella (spécial dédicace à Kilian). Direction ensuite la station de tram. D'après les horaires sur Internet, il devrait passer à 5h23. A 5h23 et une seconde à ma montre, il entre en gare, la ponctualité suisse n'est pas un mythe. J'arrive au départ à 6h, pas de stress, j'ai 1h avant le départ. Je commence par m'occuper du vélo, gonflage des pneus, sélection de la bonne vitesse et remplissage du bidon. Je vais ensuite déposer mes affaires pour le vélo dans le 1e sac de transition, je manque d'ailleurs d'oublier d'y mettre mes chaussures et mon cardio. Je m'occupe ensuite des affaires pour la course à pied que je mets dans le 2e sac de transition. C'est bon, tout est prêt, je peux me diriger vers le départ.


Tout le monde est très concentré, on peut sentir la tension et l'appréhension au moment de commencer cette longue journée, j'adore cette ambiance juste avant le départ. A 7h les fauves sont lâchés. 2500 athlètes qui partent en même temps, ce n'est plus de la natation, c'est une bataille pour avoir un bout d'espace où nager. Coup de pieds, de coudes, de mains, mieux vaut ne pas être trop stressé. Contrairement à Nice où j'étais parti dernier, là je choisis de me placer en milieu de peloton et j'en suis quitte pour quelques coups qui me laisseront notamment avec une lèvre ensanglantée (je sais qui c'est, il avait un bonnet jaune).



La situation se calme assez rapidement et j'arrive à bien poser ma nage, respiration tous les 3 mouvements, bien relax, tout est sous contrôle. La première boucle passe très rapidement, j'ai vraiment l'impression (trompeuse) d'avoir nagé vite. J'attaque la 2e boucle, tout va toujours très bien, je profite vraiment du moment, je suis à l'aise et je me régale à nager dans ce lac. Je me rends compte que j'ai vraiment beaucoup de chance d'être là où je suis et me force à rester dans l'instant et profiter des sensations plutôt que de laisser mon esprit vagabonder. La 2e boucle se termine elle aussi rapidement et je suis déçu que ce soit déjà terminé, j'aurais bien fait un tour de plus. En sortant de l'eau, je vois qu'il y a encore beaucoup de vélos dans le parc, ce qui est plutôt bon signe et inhabituel, ça veut dire qu'il y a du monde derrière (environ 1000 athlètes). Par contre, niveau chronométrique, c'est assez décevant, 1h37 (1405e temps) pour boucler les 3,8 km. Le bon côté des choses, c'est que j'ai vraiment géré et que je ne suis pas du tout entamé physiquement.


Transition rapide: je me tartine de crème solaire, j'enlève mon maillot de bain, mets casque, chaussures, maillot cycliste et c'est parti pour le vélo.
Le parcours est une boucle de 90 km à faire deux fois. Ca commence par 25 km de plat. Ma stratégie de course est basée sur mon rythme cardiaque, les premiers 45km à 140 max, les 45 suivants à 145 max et les 90 derniers à 150 max. Bizarrement, alors que je respecte les pulses, je double beaucoup de monde. Ca m'interpelle un peu au début mais bon, je suis à 136/137 pulses, j'ai des jambes de feu donc en avant Guinguamp.


Petit coup d'oeil au chrono après 25 km, plus de 36 km/h de moyenne, ah quand même, ça commence à faire vraiment rapide. Heureusement, les premières montées arrivent et permettent de faire chuter un peu la moyenne (mais mais sérieux 36 km/h, après on va dire que je suis dopé). Les montées me permettent d'ailleurs de constater une autre faiblesse, je me fais dépasser par tout ceux que j'avais repris sur le plat. J'ai l'impression qu'il va falloir travailler un peu plus en côte. Il fait très chaud mais heureusement, les ravitaillements sont nombreux et avec 3 bidons, je suis tranquille. Après quelques collines, place à "The Beast", une montée de 3 km à 6,6% de moyenne. Dur, dur, surtout avec le soleil qui tape très fort (ma montre affiche 38° au 2e passage).


S'ensuit une courte descente avant une montée, pas trop raide mais interminable. Je pensais qu'après "The Beast", il n'y avait plus que de la descente, apparemment non. La prochaine fois, j'étudierai sérieusement le profil. Passée cette montée, le retour sur Zurich se fait à la vitesse grand V avec notamment une belle descente où je me fais flasher à plus de 75 km/h. La boucle termine par Heartbreak Hill, une montée courte mais raide avec beaucoup de spectateurs, ce n'est pas encore l'Alpe d'Huez niveau ambiance mais c'est génial de grimper au milieu d'une haie de spectateurs.



Je termine le premier tour à plus de 31 km/h de moyenne, va falloir songer à ralentir sérieusement si je veux tenir mon objectif de 27 km/h sur les 180 km.
J'attaque la deuxième boucle bien frais. Il fait plus chaud que lors du premier passage et la moyenne s'en ressent. 2e passage dans "The Beast", tout va bien.


Je continue à bien m'alimenter, aucun souci de ce côté là. Je boucle mon 2e tour un peu moins rapidement et passe sous la barre des 6h (5h57'44, 854e temps), avec une moyenne supérieure à 30 km/h. Je suis super content de mon temps, et ce d'autant plus que j'ai bien géré mon effort et que je me sens bien frais.

2e transition : je récupère mon sac et pars dans la tente pour m'équiper. Je sors les chaussures, le t-shirt, la casquette et et et ??? Dites moi pas que c'est pas vrai, j'ai réussi la prouesse d'oublier les chaussettes !!!! Elles sont restées dans le sac avec mes affaires pour après la course. Rapidement, je passe en revue les options possibles:
- Piquer les chaussettes du gars à côté de moi qui visiblement a plus besoin d'un médecin que d'une paire de chaussettes => pas classe
- Soudoyer un arbitre pour aller chercher les chaussettes dans mon sac d'après-course => pas (assez) de cash
- Courir sans chaussettes => challenge accepted


Me voilà donc parti pour courir un marathon sans chaussettes. Je dois avouer que ça me stressait un peu au début mais maintenant que j'ai fait ce choix, ça ne sert plus à rien de stresser ou de ruminer mon erreur, il faut faire avec. La marathon consiste en une boucle de 10,5 km dans le centre ville de Zurich à parcourir 4 fois (7 pour les plus motivés). Il fait très chaud sur le premier tour. Heureusement, les ravitaillements sont nombreux et j'en profite pour mettre des glaçons dans ma magnifique casquette Cantal Auvergne.


Je fais aussi ma première (et dernière) pause pipi de la course, on peut dire que de ce côté-là, je n'aurais pas perdu trop de temps. Encore une fois bien préparé, j'arrive à rater le chronométrage: je loupe le départ de la 1e boucle et je mets en pause le chrono un peu plus loin, tant pis pour le temps, on va faire ça aux pulsations (et pas à la vitesse, j'ai aussi raté le paramétrage de ma montre pour ça). Au bout de quelques kilomètres, je fais la connaissance de Jean-Claude, un Suisse qui approche de la cinquantaine. Son objectif est de passer sous la barre des 12 heures. Etant donné mon très bon temps à vélo, je me dis que c'est possible et nous courons ensemble.


Comme vous le voyez sur la photo, je suis à l'aise, tout va bien. Par contre, Jean-Claude fait un peu la grimace. Et pour cause, les crampes ont raison de lui et il doit se mettre à marcher. Je l'abandonne donc après une dizaine de kilomètres passés ensemble. Il terminera en 12h27 avec un marathon en 4h41. Le premier tour passe très rapidement, le circuit est plaisant, assez varié et beaucoup moins monotone qu'à Nice. Je me sens très en confiance, je suis sur un rythme relativement tranquille et j'ai la certitude de pouvoir le tenir jusqu'à l'arrivée.


Le deuxième tour est avalé au même rythme. Dame Nature a décidé d'être gentille avec nous et nous envoie quelques nuages pour nous protéger du soleil. A chaque ravito, je mets quand même des éponges sur mes épaules pour me rafraichir. Niveau nutrition, tout va toujours très bien, j'alterne gels et bananes pour la nourriture et bois beaucoup d'eau. Je vois qu'il me reste 2h10 pour courir les 21 km restants si je veux terminer en moins de 12h, ce qui est tout à fait gérable.
Je continue sur le même rythme au 3e tour, je me sens vraiment bien, tout est sous contrôle. A chaque tour, on récupère un chouchou de couleur différente (au niveau de mon coude sur la photo). Quand on a 4, c'est bon signe, c'est que la fin est proche. J'ai 1h10 pour boucler le dernier tour, même si je me fais une cheville, ce sera bon.


Physiquement tout va bien, je n'ai pas de douleurs ni d'ampoules, par contre, j'ai une petite lassitude au niveau mental. Je sais que je vais passer sous les 12h, que tous mes objectifs sont atteints au délà de mes espérances et donc je me permets de marcher un peu entre le kilomètre 34 et le kilomètre 37. Si j'avais eu mon temps en course à pied (comprendre "si j'avais su me servir de ma montre"), j'aurais pu voir qu'il était possible de terminer le marathon en moins de 4h et je n'aurais pas marché. A 4 km de l'arrivée, je me fais doubler par quelqu'un que je crois être David (rencontré la veille). Du coup, je relance et me mets à ses côtés. Ce n'est pas lui mais Tim, sympathique anglais qui avance à un bon rythme. Je décide de m'accrocher à lui et me promets de ne pas le lâcher. On termine rapidement, je me sens super bien, tellement bien que je le lâche sur le dernier kilomètre et termine à la vitesse supersonique de 15 km/h. Je ralentis sur les 30 derniers mètres pour profiter de l'ambiance, je tape dans les mains des spectateurs, c'est génial.


Après avoir passé la ligne, je jette quand même au coup d'oeil au chronomètre, 11h51 (684e pour un peu moins de 1900 finishers), j'ai du mal à y croire, je suis super content (mais ne vomis pas ;-), j'ai envie d'embrasser tout le monde, d'ailleurs j'embrasse tout le monde qui passe, triathlètes et volontaires. Ca y est, c'est fait, je suis un Ironman pour la 2e fois. Après un passage éclair au ravito d'après course pour manger des pâtes, je rentre rapidement à l'appart. Pourquoi me depêcher et ne pas profiter un peu plus ? Tout simplement parce que je dois encore rentrer à Bruxelles. Ayant un nombre très limité de jours de congés, je dois être au boulot demain matin. Deux heures après la fin de la course, la voiture est chargée et je quitte Zurich pour l'épreuve la plus dure de la journée, le retour. Quelques pauses, un flash, 2 Red Bull et 660 km plus tard, j'arrive chez moi à 3h30. Autant dire que le réveil à 8h30 le lendemain a été un poil difficile.

Petite vidéo de ma course.

Bilan

Je retiens de cette course l'énorme plaisir que j'y ai pris et la très grande facilité que j'ai ressentie tout au long de l'épreuve. J'ai vraiment géré mon effort et tout s'est passé comme dans un rêve. Passer sous les 12h était dans mes objectifs mais je ne pensais pas que ça arriverait sur cet Ironman. Côté regret, étant donné mon état de forme passé la ligne d'arrivée, je me dis que j'aurais pu (dû ?) aller beaucoup plus vite, les 11h30 étaient jouables. Pour le prochain, avec un entrainement un peu plus structuré, il y a moyen d'aller taquiner les 11h.
Mes temps officiels:
- Natation: 1h37'50 (1405e temps)
- Transition 1: 04'07
- Vélo: 5h57'44 à 30.23 km/h de moyenne (854e temps)
- Transition 2: 06'14
- Course à pied: 4h05'47 à 10.3 km/h de moyenne (424e temps)
- Temps total: 11h51'40 (684e)

Les données de ma montre pour ceux que ça intéresse:
- vélo
- course à pied

Maintenant place à la récup avant LE défi de cet année, la CCC fin août. Pour l'instant, j'en suis à 3/3 niveau courses terminées, pourvu que ça dure.