dimanche 3 décembre 2023

En 2023, je me remets au sport !

Fin d'année, c'est l'heure d'un petit retour sur les courses qui ont emaillées l'année 2023. Elles sont au nombre de 5:

  • L'Alspman (triathlon)
  • L'Etape du Tour (vélo)
  • L'UTB (trail)
  • Le Tor des Géants (trail)
  • Le trail des Grenouilles (trail)

03 mai - Alpsman - Triathlon - 3.8 km de natation - 180 km de vélo avec 3800 de dénivelé positif (D+) - 42 km de course à pied

L’Alpsman est l’Ironman emblématique de la région d’Annecy. Il a pour cadre grandiose le lac d’Annecy et le massif des Bauges. Il a une particularité inspirée du Norseman en Norvège: tous les concurrents qui arrivent avant 16h au kilomètre 25 du marathon gagnent le droit de finir par la montée au Semnoz et seront déclarés top finisher. Ceux qui arrivent après 16h finissent leur marathon en bord de lac et seront déclarés lake finisher. Je me suis inscrit avec Rafi, un pote de l’UTC et notre objectif est d’être top finisher.


Contrairement à la plupart des triathlons, le départ en natation ne se fait pas depuis le bord de l’eau mais depuis un bateau. En gros, on nous amène au milieu du lac, on saute, on va à la ligne de départ matérialisée par 2 bouées et on attend le signal du départ. Ambiance garantie !


J’appréhende un peu cette partie car je sais que je suis assez frileux. Je suis donc dans les derniers à sauter du bateau, histoire de patienter le moins longtemps dans l’eau. A 5h30, alors qu’il fait à peine jour, c’est le départ. Comme je suis en queue de peloton, ce n’est pas la grosse bastonnade et je peux poser ma nage. Je me suis très peu entraîné en natation donc je me suis fixé un objectif modeste: 1h30. Tout se passe bien et j’en termine en 1h29.


J’ai le cerveau tout embrumé avec le froid mais heureusement, on a l’occasion de se réchauffer rapidement avec la montée au Semnoz.


Pour le vélo, je vise un chrono entre 8h et 8h15, soit une moyenne autour des 22 km/h. Ca peut sembler peu mais il y a 3800 mètres de dénivelé positif à avaler. Le parcours commence par la montée au Semnoz suivi d’une boucle à parcourir deux fois dans le massif des Bauges. Sur la montée au Semnoz et la 1e boucle, je sens que je n’ai pas les jambes, je me traîne et je n’arrive pas à envoyer des watts.


A l’attaque du 2e tour, je prends le temps de m’arrêter 5 minutes au  ravitaillement, récupère ma nourriture perso et cette pause me fait du bien. Les jambes sont revenues et j’enchaine bien plus rapidement la 2e boucle. La descente finale sur Annecy se fait à grande vitesse. Tellement grande que je rate une bifurcation. Pas grave, juste 30 secondes de perdu. Le vélo est bouclé en 7h59, objectif encore une fois atteint.


Maintenant, il n’y a plus qu’à courir 25 km à 5’35 du kilomètre, ce qui paraît très raisonnable … ou très optimiste quand on y réfléchit. Ma meilleure vitesse sur marathon Ironman est 6’00 du kilomètre, c’était à Zurich en 2015, j’étais très bien affûté et le parcours vélo était bien plus facile (j’avais mis 2h de moins pour la même distance). Aujourd’hui, j’arrive sur la course avec un entrainement en course à pied quasi nul, j’ai dû courir 150 bornes en 6 mois, autant dire rien du tout. Mais je suis confiant. Les 1e kilomètres se passent bien et j’avance à l’allure cible mais très rapidement, je sens que ça va être compliqué.


Plus j’avance et moins j’avance, ma vitesse diminue à vue d’oeil, le réservoir est vide. Je suis en train d’exploser en plein vol. J’ai tenté en mode “ça passe ou ça casse”, bon ben ça a cassé. Maintenant que je sais que je n’atteindrais pas l’objectif, le mental a lâché et je me retrouve à marcher pendant quelques kilomètres.


Même si l’objectif principal ne sera pas atteint, ça me fait vraiment trop mal de marcher sur un marathon (quasiment plat qui plus est) et je repars en trottinant.


Je termine les 5 boucles au bord du lac en presque 6h (!!!!!), non sans avoir pris le temps de passer à un mariage au bord du parcours pour boire une coupe de champagne cul sec. Temps final: 15h37’27.


Même à Embrun qui est une course bien plus difficile, j’avais mis moins de temps. Après il faut relativiser, j’étais arrivé au départ de cette course avec une bonne prépa en vélo mais quasi nulle en natation et course à pied donc ça reste quand même une belle performance d’être allé au bout d’une course qui reste difficile.


9 juillet - étape du Tour - cyclisme - 160 km avec 4000 mètres de dénivelé positif


L’étape du Tour sera une histoire en famille. En effet, je suis inscrit avec Thibaud, mon frère et environ 10000 autres cyclistes. Non, il ne faut pas y aller si on n’aime pas rouler en peloton. Gros avantage de cette course, c’est la seule cyclosportive de France intégralement sur route fermée. Le parcours commence à Annemasse pour arriver à Morzine en passant par les cols de Saxel, de Cou, du Feu, de Jambaz, de la Ramaz et de Joux-Plane. La météo annonce des fortes chaleurs, attention à la déshydratation. 


Nous sommes dans le 11e sas et nous partons donc à 8h39, soit plus d’une heure et demie après les premiers.


Les premiers cols sont assez faciles et on avance bien.



Thibaud étant sur un rythme moins rapide que le mien, je me cale sur le sien pour l’accompagner. En début d’après-midi, la chaleur commence à faire des ravages et Thibaud en souffre pas mal. Heureusement, il y a beaucoup de spectateurs qui organisent des points de rafraîchissement improvisés. Sinon la fontaine, ça marche aussi.


Au pied de la dernière difficulté, le col de Joux-Plane, nous retrouvons François, un ami de Thibaud qui avait décidé d’abandonner et dont la copine était en route pour venir le chercher. En nous voyant, il se remotive et on attaque la dernière difficulté tous les 3. C’est du brutal, ça grimpe doucement mais on avance.


Je profite de la montée pour regarder en direct l’étape du vrai tour de France (arrivée au Puy de Dôme) mais la connexion très mauvaise me prive du final. Les derniers kilomètres sont interminables. Malgré les panneaux qui indiquent un radoucissement de la pente sur les 2 derniers kilomètres, ça grimpe toujours autant. Enfin, le col est là et nous pouvons savourer la descente finale sur Morzine. 


Nous terminons en un peu plus de 11h pour une moyenne de 17 km/h.


J’en garde un beau souvenir. Les descentes de col à couper tous les virages même sans visibilité (merci la route fermée), c’est un vrai régal. Rendez-vous en 2024 pour l’étape Nice - col de la Couillole, 136 km et 4800 de dénivelé positif. Encore une belle étape de plaine !


22 juillet - trail - Ultra Tour du Beaufortain - 114 km - 7200 de D+


L’Ultra Tour du Beaufortain ou UTB pour les amateurs de sigles, une course à laquelle je m’étais frottée en 2013 et qui s’était terminée par un abandon au 90e km. A ce jour, ça reste un de mes deux seuls abandons en course avec l’Infernale 200 des Vosges. C’est donc avec un esprit revanchard et déterminé que je retente l’aventure. Nous sommes une belle équipe au départ: Philippe (pote de MSF), Edouard et Rémi (potes du Nord), Jean, Etienne et Tomy (des potes de Briançon). En plus de ça, nous avons une assistance de choix avec Thibaud (mon frère), Gaby et Laura (potes de Briançon). L’UTB, c’est une course avec des paysages absolument incroyables, des chemins techniques et une barrière horaire assez serrée. Le taux de finisher dépasse rarement les 50%, ce qui est un bon indicateur de la difficulté de la course.


La course commence à la lueur des frontales à 4h du matin. C’est un horaire que je trouve idéal. Comme on campe sur le parking à 50 mètres du départ, on peut se lever à 3h45 et profiter d’une nuit de sommeil confortable.



Dès le départ, l’équipe des brianconnais prend le large. On ne les reverra plus. Comme à mon habitude, je base ma course sur les barrières horaires et pars tranquillement avec Rémi, Edouard et Philippe. Après quelques heures de course, nous perdons Philippe qui reste bloqué dans le trafic, puis je lâche également Rémi et Edouard. Je me sens bien et j’avance à mon rythme. Les kilomètres défilent, c’est toujours aussi beau. Je croise une 1e fois l'équipe d'assistance, ça fait plaisir de les voir.




Le parcours a changé depuis 2013, plus de brèche de Parozan mais une descente au Cormet de Roselend par la combe de la Neuva. J’y croise pour la 2e fois l’équipe d’assistance, pas avares en encouragements. J’en profite pour faire un ravito Haribo, l’énergie qu’il vous faut !



On en prend plein des yeux !




Un peu avant la nuit, je retrouve Thibaud au ravito de la Girotte. Je m’accorde une petite pause et lui dérobe habilement le paquet de fraises Tagada. C’est parti pour affronter la nuit. Dans la descente vers Hauteluce, j’ai un énorme coup de barre et je dois me mettre à marcher, c’est interminable. Un peu avant la fin de la descente, Edouard me rattrape et j’apprends que Rémi a malheureusement abandonné. Au ravitaillement, j’ai la surprise et la joie de retrouver Thibaud qui m’a préparé un bon lit. Je m’accorde une sieste de 30 minutes et je repars. Edouard m’a suivi pour la sieste mais choisit de dormir un peu plus longtemps. Je repars donc seul affronter la fin de la nuit et la montée finale vers les Saisies. Peu de temps après avoir quitté le ravitaillement, c’est Philippe qui me rattrape, il est en pleine forme. Gros contraste avec moi qui ne suis pas franchement au top. Gentiment, il ralentit et prend mon rythme. C’est ensuite au tour d’Edouard de nous rattraper. J’essaye de les suivre mais pas après pas, je me fais décrocher, je suis vraiment dans le dur et j’avance avec les moyens du bord. Peu avant les Saisies, je vois un coureur assis sur le côté dont les chaussures ressemblent à celles de Philippe. Pour moi, c’est impossible que ce soit lui, il semblait tellement fort. Je continue mon chemin tant bien que mal et retrouve Edouard au ravitaillement des Saisies. Lui non plus n’est pas au top. Nous repartons ensemble sous les premières lueurs du soleil. J’ai un petit regain d’énergie mais pas suffisant pour suivre Edouard. J’attaque la descente finale en marchant, je n’ai pas le goût de courir et je n’en ai pas besoin, je suis large sur la barrière horaire alors autant faire durer le plaisir. Je termine en 29h16 (pour une barrière horaire à 30h, large !).




A l’arrivée, je retrouve avec plaisir mes acolytes. J’apprends avec stupéfaction que Philippe a abandonné pour cause de pneumothorax, c’était bien lui que j’avais vu assis au bord du chemin. Heureusement, il semble aller bien. 

Au final, je suis content d’avoir terminé cette course qui est vraiment magnifique et difficile. Cependant, je ne suis pas satisfait de ma course. Autant la journée du samedi, je me suis régalé, autant la nuit aura été vraiment très compliquée. Être épuisé comme je l’étais après 20h de course, c’est un signe que j’étais arrivé au départ vraiment fatigué.


10 septembre - trail - Tor Des Géants - 330 km - 25000 de D+


330 km, 25000 mètres de dénivélé positif, 150h max.

Voilà pour les chiffres fous de cette course qu’est le Tor des Géants en Italie. J’en avais entendu parler il y a quelques années et l’idée de m’y frotter trainait depuis dans un coin de ma tête. J’avais déjà tenté la loterie pour y participer il y a quelques années, sans succès. Cette année, nous décidons avec Edouard de retenter le coup et cette fois, nous avons la chance (ou le malheur, tout dépend du point de vue) d’être pris.
Voilà comment nous nous retrouvons le samedi 09 septembre à Courmayeur en Italie, à la veille d’un immense défi. Toute la ville est aux couleurs de l’évènement, ça va être une belle fête. Avant d’aller retirer nos dossards, nous prenons le temps de nous désaltérer (de fortes chaleurs sont attendues le lendemain et nous ne voulons pas risquer la déshydratation).


Ensuite, nous partons au gymnase retirer nos dossards et notre sac de course jaune. 



Edouard en profite pour se faire masser la cheville. 



Ah oui, détail important: histoire de se compliquer la vie, il a choisi de prendre le départ une semaine après s’être fait une énorme entorse en jouant au foot. Il boitait encore légèrement quand je l’ai retrouvé la veille du départ. Il m’avouera pendant la course qu’une heure avant le départ, il n’était pas sûr de partir. Cet élément aura une gros impact sur notre stratégie de course mais pour l’instant, place aux préparatifs.
Sur la course, il y a 6 bases vies et ce sac jaune personnel à chaque coureur est transporté de base vie en base vie par l’organisation. Chacun peut donc le remplir avec les vêtements, accessoires, nourriture de son choix. Etant donné la taille limitée du sac, une partie du ravitaillement ne sera pas du voyage. Je choisis d’y mettre:

  • 6 paires de chaussettes

  • 6 t-shirts

  • 2 shorts

  • 1 paire de chaussures

  • 1 veste Goretex 

  • 1 collant

  • 1 second peau thermique

  • 3 power bank 

  • 1 serviette de bain + gel douche + brosse à dent + dentifrice

  • De la nourriture: brioche, nocciolata, pâte de spéculoos, pâtes de fruits, Haribo, barres de céréales, Pringles, cacahuètes + noix de cajou, lait concentré.




Nous partons ensuite déposer nos sacs avant d’aller au briefing et profiter de la pasta party.



Le départ étant à 10h du matin, nous profitons d’une dernière longue nuit. Si tout va bien, la prochaine fois que nous dormirons autant sera … dans une semaine. La course commence le dimanche matin à 10h et il faut être de retour le samedi suivant avant 16h pour finir dans les délais. Pendant ces 7 jours et 6 nuits de course, il faudra limiter le sommeil au maximum tout en gardant une vitesse minimale. Pour paraphraser cette phrase culte d’un ministre suisse, “il faut courir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire”.


Dimanche matin, 9h55: la tension monte. Tout le monde attend le départ avec impatience. La météo s’annonce excellente pour aujourd’hui, grand beau, peut-être un peu chaud. 




  • Courmayeur - Valgrisenche (48 km, 4300 D+, 11h51)

Enfin la course est lancée. L’ambiance dans la ville est incroyable avec des centaines de supporters dans les rues.


La stratégie est simple, comme toujours en ultra. Il ne faut pas voir la course dans son ensemble mais la découper en petites étapes. Il y a 51 ravitaillements sur la course. A chaque instant, l’objectif est d’atteindre le prochain ravitaillement. J’ai un fichier excel sur mon téléphone avec la distance, le dénivelé positif (D+) et négatif (D-) entre chaque ravitaillement. C’est donc parti pour 13 km, 1500 de D+ et 600 de D-. Comme c’est une première sur une si longue distance pour Edouard comme pour moi et à cause également de sa blessure à la cheville, nous décidons de partir sur un rythme vraiment tranquille. Nous n’avons aucune idée de comment nous allons gérer le sommeil, nous déciderons en fonction de nos sensations pendant la course.

La 1e journée se passe vraiment bien, nous marchons à un bon rythme en montée et nous trottinons dans les descentes. Les paysages sont magnifiques, les kilomètres défilent.




Nous avons même le plaisir de croiser un jeune espoir du team Salomon, qui disparaît en un clin d’oeil. Son rythme est assez impressionnant.



Nous arrivons à la base vie un peu avant 10h du soir. Comme nous nous sentons bien tous les deux, nous choisissons de nous arrêter seulement une heure, le temps de se changer et de prendre un bon repas chaud. Ce sera ma première bière (et dernière) bière de la course. Pour Edouard, ce sera la 1e d'une longue série. Ce sera également le 1e bol de pâtes, des dizaines d’autres suivront.



  • Valgrisenche - Cogne (104 km, 9200 D+, 31h40)

Nous repartons affronter la nuit. La fin de la montée au col Entrelor qui culmine à 3004 mètres sera très dure pour moi, je ressens une grosse fatigue et je fais même une micro-sieste, allongé au bord du chemin. Je finis par arriver au sommet avec les premières lueurs du jour, l’ambiance est magique. Au début de la descente, je retrouve Edouard qui avait pris quelques longueurs d’avance dans la montée. Avec l’arrivée du jour, le sommeil est parti et je me sens à nouveau bien. 



Après une longue descente dans un décor très minéral, nous arrivons en fin de vallée à Eaux-Rousses où nous nous octroyons une sieste d’une heure après 29h de course. Nous savons que le prochain morceau sera costaud. En effet, nous attendent 12 km et quasiment 2000m de D+ pour monter au col du Lozon, le point culminant de la course à 3299 mètres. La 1e partie en forêt se monte tranquillement jusqu’au refuge Cassoto di Levionaz. Ensuite nous passons dans un décor de haute montagne où on peine à imaginer qu’il y a un chemin qui traverse ces montagnes. La fin de la montée est interminable et j’entends Edouard derrière moi qui souffre comme rarement (effet de l’altitude peut-être). Enfin nous arrivons au col.



Vous me voyez venir, après la montée, on repart pour une longue descente (spoiler alert: ça va être beaucoup comme ça ;-) pour descendre en fin de vallée jusqu’à la ville de Cogne où se trouve la 2e base vie. Pour l’instant, tout va bien, la cheville d’Edouard tient le coup et on est bien. On en profite pour passer un coup de fil à Christophe, finisher du ToR quelques années auparavant pour prendre des infos sur la suite du programme. Nous arrivons à la base vie à 17h40. Nous nous octroyons une longue pause cette fois-ci. Nous prenons le temps de nous laver, d’aller aux soins (bandage préventif des pieds pour moi, massage pour Edouard), sieste de 2h, puis repas. Au final, nous resterons environ 5h30 à la base vie avant de repartir un peu après 11h pour affronter la nuit.

  • Cogne - Donnas (150 km,12000 D+, 49h28)

Grâce à Christophe, nous savons que cette section sera plus facile car plus roulante et avec moins de D+. Nous montons au col de Champorcher à 2866 mètres sous un beau ciel étoilé. Je ressens un petit coup de fatigue au sommet. Je m’accorde 5 minutes de respiration en cohérence cardiaque et la fatigue disparaît. Les kilomètres s'enchaînent rapidement, on a toujours un bon rythme. Nous arrivons à la base vie de Donnas à 11h30 le mardi matin, déjà plus de 48h de course.


Nous commençons à être réglés sur la procédure: douche, massage (la masseuse est surprise de ne me trouver aucune contracture après 50h de course, mais ce n'est pas étonnant vu notre vitesse), sieste de 2h, repas. 4h20 plus tard, nous repartons sous une pluie fine. Coup de bol, une énorme drache est tombée pendant notre pause.



  • Donnas - Gressoney (204 km, 17000 D+, 77h42)

Ca commence pour une montée bien raide au-dessus de Donnas, une descente puis c’est parti pour une longue montée. La pluie s’invite à la fête par intermittence. Les kilomètres défilent et la nuit arrive. La pluie a cessé et le ciel un peu clair me permet de monter sans allumer la frontale. J’adore cette ambiance, essayer de deviner où passe le chemin, ressentir le chemin plutôt que le voir. Nous arrivons sur une crête, le chemin devient plus technique et raide donc je me résouds à allumer la frontale. Nous finissons par arriver au refuge Agostino Coda à 10h du soir. Il est situé sur une crête à 2280m. La vue doit être magnifique en journée. Après une courte pause, nous repartons en direction du refuge Barma, seulement 8.5 km pour 700 de D+ et 900 de D-. Nous mettrons … 4h pour faire cette section. Ce sera probablement le moment le plus dur de la course. Le chemin est très technique, humide, il fait nuit et on se traîne. Intérieurement, je me dis que c’est déjà un miracle qu’Edouard soit encore là avec sa cheville en vrac et je doute vraiment qu’il puisse aller au bout vu les conditions. En plus d’avoir sa cheville à gérer, il a un énorme coup de bambou mais impossible de s’arrêter au bord du chemin. Nous croisons une ferme de montagne avec une toute petite pièce ouverte aux coureurs. Dedans, il y a une table, 2 chaises et 2 couvertures. Ni une, ni deux, Edouard prend la couverture et s’allonge par terre pour faire une sieste.



De mon côté, je me pose dans la chaise et je surveille la montre. Je ne ressens pas de fatigue particulière et physiquement, tous les voyants sont au beau fixe. Après 10 minutes environ, je motive Edouard à repartir. Cette courte pause lui a fait du bien. On surveille les kilomètres et l’altitude mais le refuge se refuse toujours à nous. Au détour d’un virage, il apparaît enfin. Comme il ne s’agit pas d’une base vie mais d’un simple ravito, il n’est pas assuré qu’on puisse y dormir. Renseignement pris,  on nous dit qu’il y a 45 minutes d’attente pour avoir un lit. Edouard n’est pas chaud et propose de dormir assis à une table. J’arrive à le convaincre qu’une vraie sieste dans de bonnes conditions nous sera bénéfique. En attendant notre tour, nous ingurgitons tout ce que nous pouvons. Je tourne au tryptique pâtes/charcuterie/fromage. Notre tour vient enfin et nous avons droit à une heure de sieste sur un vrai matelas dans une pièce chaude. Pour une fois, mon odorat inexistant sera un bel atout, étant donné qu’il règne une odeur infâme dans la chambre d’après Edouard. Cette sieste nous revigore et nous repartons finir la nuit. A peine sommes-nous partis qu’une bonne grosse drache nous tombe dessus. Elle nous tiendra compagnie pendant quelques heures, en compagnie de sa cousine l’orage. La montée au col Marmontana se fait dans une ambiance incroyable: à la frontale, sous des trombes d’eau, avec des orages tout autour de nous.



Ce n’est vraiment pas le moment de traîner dans le coin. Peu après le col, nous passons au ravitaillement dans un cabane de fortune au lac Chiaro. D’un commun accord, nous décidons de ne pas nous attarder pour éviter de nous refroidir. Un thé chaud et ça repart. La fin de la descente coïncide avec le lever du jour et la fin de la pluie. Les paysages sont magnifiques.



Mention spéciale pour le ravitaillement perdu au milieu de la montagne où on nous sert un formidable jambon braisé accompagné de sa polenta. Nous finissons par arriver au ravitaillement de Niel où nous prenons le temps d’enlever les chaussures pour faire sécher nos pieds. Petite anecdote amusante qui illustre bien la perte des repères: à un moment, je regarde mon téléphone et il affiche 10h38. Je me dis “tiens, il n’est pas à l’heure, c’est curieux”. Pour moi, il était plutôt 17h alors que pas du tout, il était bien 10h38. Nous repartons pour une longue montée vers le col de Lazouney au sommet duquel nous nous accordons une courte sieste dans l’herbe.




Et nous enchaînons par une longue descente vers la base vie de Gressoney. Le manque de sommeil (seulement 6h de sommeil pour 78h de course) et la pluie qui s'est invitée à la fête rendent cette section interminable. Nous arrivons un peu avant 16h. La routine reste la même: douche, dodo, repas. Pas de soin car trop de monde. Nous sentons que nous avons besoin de repos et nous nous accordons 3h30 de sommeil.


  • Gressoney - Valtournenche (238 km, 19000 D+, 95h13)


Nous repartons vers 21h affronter la 4e nuit. Ca commence par 1400 de D+ avec les 1e kilomètres extrêmement raides. Rapidement, Edouard prend quelques longueurs d’avance. Je monte à mon rythme, lent mais régulier. La nuit va être longue, il va falloir se gérer. Pour lutter contre la fatigue, j’écoute de la musique et je me dévêtis (le froid, ça réveille). Au sommet, je retrouve Edouard qui m’a attendu.



La descente qui suit est très raide et technique au début. Malgré la fatigue, il faut faire preuve de vigilance. Ensuite, la pente s’adoucit et on peut courir à une belle vitesse. En arrivant au ravitaillement de Champoluc, bien que nous nous sentions tous les deux en forme, nous décidons de dormir 1h. Grave erreur: on dort sur des tapis de yoga et il fait froid. Autant dire qu’à part nous refroidir, on n’a pas gagné grand-chose sur ce coup-là. Sortir du ravitaillement est un gros défi: on est congelés et il fait bien froid dehors. Bizarrement, au bout de quelques kilomètres, la fatigue nous tombe dessus et c’est hyper violent. Je retrouve Edouard (qui avait pris un peu d’avance) en train de dormir dans un abri bus. Je me joins à lui et c’est un livreur de pain qui nous réveille quelques minutes après. Il faut repartir, je zigzague comme jamais tellement je suis à bout de forces. Heureusement, les bâtons me permettent de garder un semblant d’équilibre. Je me souviens distinctement regarder ma montre et me dire “2h, il faut tenir 2h et ensuite le jour va se lever et ça devrait aller mieux”. Alors que je continue (Edouard est parti devant) comme je peux, je dois avancer, ne serait-ce que pour ne pas me transformer en glaçon. Le jour finit par arriver, j’ai quitté la vallée et je suis de nouveau en pleine montagne, les paysages sont magnifiques et la fatigue a disparu. J’ai beau avoir déjà vécu ce phénomène, je reste toujours abasourdi des ressources du corps humain.


J’arrive au refuge du Grand Tournalin, Edouard a 30 minutes d’avance sur moi. Et là, je passe en mode chasseur. Il y a 9 km, 400 de D+ et 1400 de D- jusqu’à la prochaine base vie. Objectif: rattraper Edouard avant la base vie. Encore une fois, mon corps répond de manière incroyable: je pousse dans les montées et je descends en courant à fond comme si je courais un 10 km. Plus de fatigue, pas de douleurs, je m’éclate alors que 3h avant, j’étais au fond du seau.





Je me régale à avaler les kilomètres à vive allure, malgré les 94 heures de course. Je finis par rattraper Edouard 2 kilomètres avant la base vie et nous y arrivons ensemble vers 9h du matin, en pleine forme tous les 2. Nous sommes super large sur les barrières horaires et nous prenons notre temps. Douche, massage, sieste (2h), repas.



  • Valtournenche - Ollomont (285 km, 22700 D+, 113h25)

Nous repartons sous un grand soleil, gonflés à bloc. Alors que nous venons de passer les 100h (!!!!) de course, Edouard me partage cette réflexion : si nous parcourons les 90 km avec 8000 de D+ qui restent en moins de 34h, nous arriverons avant le vendredi minuit. C’est la 1e fois qu’on parle de l’arrivée. Avant nous restions concentrés sur le prochain ravito ou la prochaine base vie mais maintenant, l’arrivée ne paraît pas si lointaine (90 km quand même) et on peut se dire qu’on va aller au bout. Après un court instant de réflexion, je me rends compte qu’il a raison, c’est tout à fait jouable. Alors que nous étions sur un rythme tranquillou, nous changeons de mode pour nous remettre en mode course. On pousse dans les montées, on relance dans les descentes et on s’arrête le minimum nécessaire aux ravitos. C’est grisant de voir qu’on peut encore accélérer et c’est génial d’être tous les 2 synchros. 




On calcule qu’il serait bien d’arriver à la base vie vers 4h du matin. Comme ça, on passera la fin de nuit au chaud pour terminer en beauté le vendredi. On avance sur un beau rythme, les kilomètres défilent et l’euphorie est toujours là. Avec la nuit, la pluie revient nous tenir compagnie. Edouard commence à avoir le dos qui couine dans la très longue descente vers Oyace. Il me demande de lui servir de lièvre. Je pars en courant devant et il doit garder ma frontale en visuel. 



Le cap des 300 km est passé.



C’est comme ça que nous arrivons au ravito. Petite pause express avec mention spéciale pour les pâtes aux mini-boules de mozza. Dans la montée vers le col Brison, la pluie redouble d’intensité. Edouard a un coup de moins bien et je le laisse prendre un peu d’avance pendant que je reprends un thé à un ravitaillement. C’est pas tout ça mais il faut le rattraper maintenant. Je repars sur un gros rythme mais je n’arrive pas à le reprendre avant le col. Je suis un peu surpris, je demande à un volontaire et il me confirme qu’il est passé. La visibilité est exécrable, le chemin technique et j’ai du mal à aller vite. 



Je continue à remonter des concurrents mais toujours pas de trace d’Edouard. Je commence à m’inquiéter et j’accélère encore. Finalement, je finis par le rejoindre, tout va bien. Son dos va mieux, on avance vraiment bien en descente et on finit par arriver à la base à 3h30 du matin, avec 30 minutes d’avance sur nos prévisions. Comme depuis le matin, je me sens euphorique, j’ai une pêche d’enfer et j’ai envie de continuer. Il pleut, il fait nuit, on sait que les fins de nuit sont difficiles, donc on choisit de prendre le temps comme à chaque base vie. Douche froide (la seule de le course), sieste (2h) dans le froid malheureusement car la base vie est sous tente, petit déjeuner.


  • Ollomont - Courmayeur (335 km, 25000 D+, 129h43)

Nous repartons pleine bourre pour ce qu’on espère être la dernière journée de course. On se sent vraiment bien tous les deux et la montée au col de Champillon passe sans encombre.



Dans la descente, alors qu’on est sur un bon rythme, Edouard se claque la cuisse droite. Impossible pour lui de continuer à courir. Qu’à cela ne tienne, ce sera de la marche rapide jusqu’à la fin. Je sens qu’Edouard est frustré de ne plus pouvoir courir et pour compenser, il ne s’arrête quasiment plus aux ravitos et enchaîne les montées à bloc. Nous arrivons au pied de la dernière difficulté, Malatra, 1100 de D+ et 9 km. On se tire la bourre dans la montée et on arrive au sommet rapidement. On se congratule, on sait que c’est gagné, il nous reste seulement 17 km, quasiment que de la descente. 




Dans la descente, je ralentis. Ce n’est pas de la fatigue, plutôt de la lassitude. Je n’ai plus envie de courir. Au ravito d’Entre Deux Sauts, à un volontaire qui me demande ce que je veux boire, je réponds comme à chaque fois depuis le début de la course "un génépi, c’est possible ?" (dans la vie, il y a 2 types de comiques ...). Et là, pour la 1e fois, on me répond que c’est possible. Voilà comment je me retrouve avec un gobelet de génépi dans la main et pas du tout envie de le boire. Ça m'apprendra à raconter des conneries tout le temps. Je prends sur moi et je l’affone. Bien m’en prends, car je repars de plus belle dans la descente, effet coup de fouet garanti. On continue sur un beau chemin à flanc avant la descente finale sur Courmayeur. 



Edouard se force à courir sur les derniers kilomètres malgré la douleur. L’ambiance dans Courmayeur est géniale, nous arrivons un peu avant 8h du soir et il y a beaucoup de monde dans les rues pour nous encourager. Encore quelques mètres et nous franchissons la ligne après 129 heures et 43 minutes de course (je vous fais grâce des secondes). 6 jours après être parti de Courmayeur, nous sommes de retour au terme d’une aventure incroyable ! Nous finissons 278e sur 621 finishers (seulement 471 abandons).





Que retenir d’une telle course ? Au final, j’ai trouvé ça plus facile que ce à quoi je m’attendait. Pour moi, tout s’est passé comme dans un rêve: pas d’ampoules à part le dernier jour (étant proche de l’arrivée, j’ai laissé courir ;-), pas de problèmes musculaires, pas de problème au niveau alimentation, juste la fatigue à gérer (15h de sommeil sur 5 nuits, c'est quand même peu). C'est une course qui demande beaucoup d'expérience pour avoir une bonne gestion des aléas de la course. Il ne faut pas aller vite mais il faut réussir à toujours avancer, quelles que soient les conditions. Avoir partagé toute la course avec Edouard a rendu la course beaucoup plus facile. Nous avons pu nous soutenir mutuellement pendant les moments difficiles. C’est une course vraiment bien organisée, les paysages sont magnifiques, je ne peux que la recommander (ou un autre format, le 30, le 130 … ou le 450). Et oui, petit détail qui a son importance, pour s'inscrire au 450 km, plus connu sous le nom de Tor des Glaciers, il faut avoir fait le Tor des Géants en moins de 130h. Je vous l’donne Emile, nous passons sous cette barrière pour 17 minutes alors que ce n’était pas du tout un objectif au départ de la course.


Rendez-vous en 2024 !



18 novembre - trail des Grenouilles - 17 km avec 700 de D+


Je participe au trail des Grenouilles pour finir l’année sur une course où on court (presque) vraiment tout du long et c’est l’occasion de retrouver les potes du CAF Annecy.


Le parcours en soi n’a rien d’exceptionnel, c’est essentiellement en forêt sur des singles.


Histoire de me compliquer un peu la tâche, je fais la course à jeun, avec dans les pâtes 2h de sommeil et une soirée bien trop arrosée la veille. Malgré ça, je termine dans un temps honorable de 1h47.

L'année se termine donc avec un beau 5/5, pas de blessures et beaucoup de plaisir. Maintenant place au repos et à la planification de la saison prochaine.